Appel
Depuis la fin du siècle dernier, les recherches cognitives en sciences du langage ont introduit la problématique de conceptualisation dans les études philologiques qui représentent un fondement sur lequel reposent les études en relation à la langue française, à la littérature française et francophone, à la culture et civilisation françaises et francophones, à la didactique du français et à l’activité traduisante.
Chaque langue conceptualise et décrit à sa façon l’expérience du monde vécu par les sujets communiquant. Toute expression langagière sous forme discursive orale ou écrite manifeste un puissant moyen cognitif par lequel nous organisons d’une manière unique notre comportement ainsi que notre expérience de nous-mêmes et du monde à la fois en tant qu’individu et en tant que membre d’une communauté socioculturelle. Cela nous permet de mieux comprendre comment notre mental organise sous forme de conceptualisations nos connaissances subjectives et/ou sociales sur nous-mêmes et sur le monde. Nous aborderons les conceptualisations du point de vue des sciences du langage, de l’enseignement des langues, de l’activité traduisante et des études littéraires. Nous les aborderons en tant que processus par lesquels le sujet énonçant forme, à partir de l’expérience (physique et (poly)sensorielle, psychologique et émotionnelle, sociale, culturelle et autre) la représentation d’un objet de pensée ou concept.
Toute conceptualisation et tout discours reposent sur un contexte et sur une situation. Pour observer, étudier, analyser, interpréter les faits de langage et les conceptualisations qui sous-tendent leur mise en discours, il est nécessaire de les contextualiser. Tout discours découle d’un contexte réel. Nous communiquons par le choix de chaque fait de langue, chaque lexème et, en même temps, par le choix d’une tournure morpho-syntaxique mise à notre disposition dans une langue donnée. Ce choix relève de l’activation de toutes les ressources langagières, segmentales et suprasegmentales, acoustiques et visuelles, plurimodales, dans une situation de communication concrète. Tout discours est adressé à quelqu’un et les choix de l’énonciateur se réalisent en anticipant sur le sujet interprétant en reliant l’énonciation et la pensée.
Chaque époque est dotée de ses visionnaires qui voient plus loin et qui indiquent de nouvelles pistes. Tel a été le cas de Petar Guberina qui a reconnu d’emblée le rôle de contexte et l’a mis en relief en tant que valeur de la langue parlée (1939). En effet, pour accéder au sens, les connaissances linguistiques ne suffisent pas. Elles permettent de créer un texte à l’oral ou à l’écrit. Or, pour l’apprendre, le comprendre, l’interpréter, l’analyser ou le traduire, il faut recourir aux connaissances extralinguistiques, au contexte cognitif et énonciatif, à la situation socioaffective et spatiotemporelle… Tout bon traducteur le sait bien : la traduction d’un mot dépend de son contexte (Vinay & Darbelnet 1977 : 4). Le contexte est un des facteurs décisifs qui influe sur le choix des faits de langage et sur la réalisation des faits de discours. En perdant de vue l’importance du contexte, il échappe souvent aux apprenants d’une langue étrangère que les significations des formes linguistiques apprises en langue cible ne correspondent pas de façon identique à celles en langue maternelle ou seconde.