Francontraste 2023

Conférenciers pléniers résumés

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Hommage à Vojmir Vinja à l’occasion de sa naissance en 1921

Bogdanka Pavelin Lešić / Dražen Varga, Université de Zagreb

Vojmir Vinja. Une vie dans les langues romanes.

Vojmir Vinja, académicien et professeur émérite de l’Université de Zagreb, était un linguiste et philologue spécialisé dans la linguistique et les langues romanes (1921-2007). En 1947, il termine ses études de langue et littérature françaises et de linguistique romane à la Faculté de philosophie et lettres de Zagreb. En 1952, il a soutenu une thèse doctorale sur les contacts entre les langues romanes et les parlers croates locaux sur l’île de Korčula.  Depuis la fin des années 1950, il a dirigé la chaire de langue française et celle de linguistique romane jusqu’à sa retraite en 1988. La vision et l’engagement à long terme du professeur Vinja ont contribué à mettre en place l’enseignement des langues romanes autres que le français (le portugais, l’espagnol, le roumain). Sinon, leur enseignement tel qu’il existe aujourd’hui à la Faculté de philosophie et lettres de Zagreb serait à peine envisageable. Vinja a initié les études hispaniques à l’Université de Zagreb en 1968 (voir sa Grammaire de la langue espagnole en 1963 et le grand Dictionnaire espagnol-croate en collaboration avec R. Musanić, première édition en 1971).

L’œuvre de Vinja a apporté d’importantes contributions aux études linguistiques, françaises et romanes, notamment avec l’introduction de l’enseignement de la théorie saussurienne à l’Université de Zagreb, la terminologie qui en découle en croate et l’étude terminologique de la flore et de la faune de l’Adriatique et de la Méditerranée. Vinja consacre l’essentiel de ses recherches scientifiques aux relations linguistiques croato-romanes dans la zone adriatique et à la terminologie de la faune de l’Adriatique. Outre ses nombreux travaux consacrés à la langue, à la linguistique et à la littérature françaises, Vojmir Vinja a aussi acquis la célébrité en tant que traducteur d’œuvres classiques de la littérature ancienne, française et espagnole, en particulier les Œuvres complètes de Michel de Montaigne, mais aussi les Quinze joies de mariage, La Celestina de Fernando de Rojas, et le De vulgari eloquentia de Dante.

Vinja nous a légué des traductions en croate de plusieurs ouvrages linguistiques majeurs : la Grammaire générale de Port-Royal, le Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure, le Vocabulaire des institutions indo-européennes d’Emile Benveniste. Sa fructueuse collaboration avec les milieux linguistiques étrangers, notamment pour l’élaboration de l’Atlas linguistique de la Méditerranée, est tout aussi importante.

Le professeur Vinja a été le premier à l’Université de Zagreb à enseigner la sémantique en tant que discipline linguistique moderne. Il veillait toujours à établir un rapport réciproque entre les théories étymologique et sémantique et leur application dans l’analyse d’un corpus concret, suivant de façon systématique les parallélismes et les différences dans la terminologie de la faune marine de la Méditerranée et des autres mers de par le monde. Grâce à cette méthode d’analyse, fondée sur une compréhension profonde des règles sémantiques, Vinja a mis en lumière des maillons étymologiques fiables là où l’approche traditionnelle demeurait impuissante. Une telle recherche réclamait non seulement une solide connaissance de la sphère historique et culturelle méditerranéenne dans son ensemble mais aussi un bagage imposant en biologie et en systématique scientifique. Son ouvrage majeur, de plus de 1000 pages, La faune adriatique. Étymologie et structure des dénominations présente en premier lieu les résultats de ses recherches personnelles sur l’étymologie et sur la structure signifiante des dénominations de poissons et autres animaux marins. L’auteur ne s’est pas arrêté à la forme phonique de la terminologie mais il a scruté avec une attention particulière la motivation sémantique des noms d’animaux marins. Il s’est efforcé d’élaborer une méthode d’analyse susceptible de contextualiser ce qui poussait les locuteurs à donner tel ou tel nom à tel poisson ou autre animal marin, et de pister les phénomènes apparentés et parallèles sur un vaste espace au-delà de l’Adriatique et de la Méditerranée. C’est pourquoi son ouvrage présente une valeur inestimable non seulement linguistique, mais aussi culturelle.

Mots clés : linguistique, langues romanes, étymologie, sémantique, terminologie

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Hommage au Professeur Petar Guberina
à l’occasion de sa naissance en 1913

Julio Murillo Puyal, Universitat Autònoma de Barcelona, Espagne

« OUI, IL RESTE BEAUCOUP À FAIRE »

Le titre de cette contribution, qui se veut un hommage à un maître et un ami, peut sembler traduire une certaine amertume, un sentiment de manque, une sorte de prise de conscience que le projet initialement conçu n’a pas été mené à terme.

Or il s’agit de la déclaration avec laquelle le professeur Guberina, lui-même, concluait son « Discours de remerciement » prononcé en Sorbonne lors de son élévation au titre d’Officier de la Légion d’Honneur, le 29 novembre 1989. On peut dès lors s’étonner que ces mots aient été prononcés dans le cadre solennel d’une cérémonie qui honorait cinquante ans de recherche, d’expérimentations et d’applications dont l’intérêt scientifique et sociétal, l’efficience et l’utilité pratique étaient ainsi reconnus. Toute réserve était d’autant plus à exclure qu’outre la dimension scientifique de l’œuvre et l’efficacité des applications qui en avaient été faites déjà, c’est également l’engagement social du savant qui avait été pris en compte. L’élévation au titre d’Officier de la Légion d’Honneur se fondait aussi, en effet, sur les actions menées dans cette perspective, personnellement ou par les équipes qu’il a constituées, ou qui se réclament de la Méthode Verbo-Tonale (MVT), actions qui donnent à l’œuvre une portée plus large encore : les initiatives destinées à instituer et/ou défendre le droit à la parole et au plurilinguisme, les multiples collaborations aux programmes éducatifs (UNESCO, Associations et Administrations éducatives de nombreux pays) destinés à surmonter et corriger (dans la mesure du possible et des moyens disponibles) les handicaps physiologiques ou sociaux, les prises de position contre les ségrégations et exclusions religieuses, culturelles, sociologiques ou raciales, disent assez que la valeur scientifique et pédagogique de l’œuvre de Petar Guberina répondait aussi et d’abord à une vocation humaniste. L’amitié qui l’unissait à Aimé Césaire et ses incursions dans les littératures africaines sont à cet égard plus qu’une anecdote.

Au vrai, par-delà les manifestations réciproques de gratitude inhérentes aux cérémonies d’hommage, il était objectivement pris acte, dans ce haut lieu de vie intellectuelle et scientifique qu’est la Sorbonne, de ce que la conception verbo-tonale de l‘intervention sur la parole, et de la parole elle-même, constitue un jalon déterminant dans la constitution et les développements de la linguistique de la parole, dans l’enseignement-apprentissage des langues et dans le traitement des troubles de la parole et de l’audition.

Il n’y a pas lieu de rappeler les principes qui fondent la Méthode Verbo-tonale. Les recherches poursuivies en suivant cette voie nouvelle des études sur les langues, et les travaux et expériences qui en ont confirmé l’efficience sont connus et ont fait l’objet de plusieurs centaines de publications. Le volume Rétrospection édité sous la direction de Claude Roberge (Artresor, Zagreb, 2003) en est un échantillon représentatif. Ces références peuvent être d’autant plus obviées, dans le cadre de ce IVème Colloque Francontraste, que Zagreb a été le creuset où s’est forgée la théorie Verbo-Tonale, le champ prioritaire où ont été réalisées la plupart des recherches et expériences pilotes qui s’en réclament, et reste toujours une référence obligée pour tous ceux qui y adhérons.

Ces références et acquis notoires que valident aujourd’hui les avancées technologiques et les récentes découvertes des neurosciences constituent toujours un socle solide de l’œuvre de Petar Guberina et de la MVT, en particulier. Mais si cette méthode et la conception structuro-globale de la parole traduisent un clivage radical dans l’histoire des études sur les langues et leur enseignement-apprentissage, c’est aussi et d’abord parce que la caractérisation de l’activité de parole et l’activité elle-même sont posées comme une problématique. Force est de constater cependant qu’à de rares exceptions près (R. Renard, 1976, 1994), la MVT n’a pas été présentée en tant que telle, du moins d’une manière explicite et systématique. Or il s’agit de sa dimension essentielle et qui en constitue la nature.

Déjà, au plan axiologique, Claude Lévi-Strauss dans Le cru et le cuit posait que « le vrai savant n’est pas l’homme qui donne les bonnes réponses, mais celui qui pose les bonnes questions ». Il va sans dire que la formule n’exclut pas les « bonnes réponses » mais conçoit l’objet de l’action du chercheur comme une problématique, et partant requiert le questionnement qu’implique toute problématique. La vie de Petar Guberina, son parcours scientifique et humain répondent à ce profil et à cette exigence. Jeune étudiant, à peine âgé de 21 ans, il arrive à Paris fort de sa formation en études classiques et musicales. Il s’immerge corps et âme dans la vie culturelle de la capitale, fréquente assidûment les salles de théâtre et apprécie tout particulièrement les performances de Louis Jouvet sur la scène. Mais s’il s’intéresse bien évidemment à l’œuvre qu’il est venu voir, ce n’est pas tant le drame ou le « paradoxe du comédien » qui l’interpellent, mais dans le jeu de l’artiste, l’étroite relation entre le dire et les mouvements corporels, ceux-ci étant observés non pas en tant que signes qui doublent le sens de la composante verbale d’un message (approbation, refus, gestes à valeur iconique : rond, près, loin, etc.), mais comme dimension inhérente à la parole, et associée au rythme.

Un deuxième exemple montre bien comment dès les premières années de son parcours scientifique le jeune Guberina posait, et se posait, les « bonnes questions ». Devenu doctorant, alors que s’imposent les visées formalistes des langues ou que Bloomfield (1933) rejette de l’analyse linguistique la composante sémantique, il s’interroge sur les relations entre les composantes logique (syntaxe et signifié) et stylistique (manifestation de l’affectivité dans la langue) de la parole, autrement dit, sur les relations entre les contenus psycho-cognitif et affectif des messages. Mais, déjà aussi, son investigation porte sur la manifestation phonique des « liens logiques » non verbalisés que, faute alors d’appareillage acoustique, il n’analysera qu’une quinzaine d’années plus tard. C’est aussi dès 1939 qu’apparaît dans le parcours scientifique de Guberina l’exigence de prendre en compte les références diachroniques, et ce, non comme phénomènes à décrire en soi pour établir des « états de langue », mais comme problématique évolutive qui débouche sur l’état actuel des langues et dont les réponses pourraient « expliquer » des comportements langagiers actuels. Il n’est pas inintéressant, à cet égard, de rappeler que Pierre Fouché, romaniste et phonéticien, faisait partie du jury.

Au final, la thèse Valeur logique et valeur stylistique des propositions complexes, qui fut soutenue en 1939 (Guberina avait donc 26 ans), et que l’on s’accorde à considérer comme le premier texte, avant la lettre, de la littérature verbo-tonale, constitue un véritable changement de paradigme dans les études sur les langues : envisager les manifestations de la parole comme globalités, c’était rendre patente la rupture épistémologique sous-jacente à cette recherche. Gérald Antoine la citera d’ailleurs à 38 reprises dans sa thèse La coordination en français, où il postule que l’étude des phénomènes linguistiques requiert que l’on interroge « à la fois, les aspects synchroniques et diachroniques ».  

Les références pourraient être multipliées, qui montrent que la MVT conçoit, au premier chef, la parole et l’intervention sur la parole comme une problématique. Dans le cadre de cette présentation de ma communication au Colloque, je m’en tiendrai à ajouter, comme dernier exemple, les recherches réalisées à Zagreb, après la Seconde Guerre Mondiale, par le « professeur », comme on l’appelle déjà, et ses équipes : étaient convoquées, d’une part, les « erreurs » commises par des étudiants de langue croate qui étudiaient le français, et d’autre part les réalisations déviantes produites par des malentendants. Certes, les analyses phonologiques de l’École de Prague avaient constaté que, chez un apprenant de langue étrangère, le « système phonologique » de la langue de base détermine les erreurs éventuelles de prononciation en langue cible. Encore fallait-il poser « la bonne question » dont la réponse permette une intervention didactique. L’analyse des productions des malentendants – comme au demeurant avait déjà avancé Pasteur il y a un siècle pour ce qui est des manifestations pathologiques en biologie— ne donnait pas la solution de la problématique, mais faisait poser « la bonne question » : l’analyse révélait en effet que la problématique propre à l’activité audio-phonatoire concerne fondamentalement la perception des sons plutôt que leur production.

Déjà dans ces quelques exemples – mais c’est toute l’œuvre de Guberina et de ses disciples qui le confirment—, il s’avère que l’originalité et efficience de la linguistique de la parole ainsi conçue, consiste, au premier chef, à avoir découvert et mis à profit le pouvoir heuristique et explicatif de la déviance et de la diachronie afin de rendre compte des phénomènes de parole ; et, s’il y lieu, définir et appliquer des procédures de remédiation. Les « verbotonalistes », fidèles au maître, ne se sont jamais départis de cette voie.

Dans cette perspective, l’invitation à œuvrer, formulée par Petar Guberina il y a une trentaine d’années en Sorbonne, prend tout son sens, et reste toujours d’actualité : la Méthode Verbo-Tonale envisagée comme problématique, ainsi que les développements et applications qui s’en sont ainsi suivis, manifestent la prégnance de l’œuvre du maître et en assurent la pérennité.

 

Samir Bajrić, Université de Bourgogne

Comprenons-nous bien en y renonçant

Dans un sillon méthodologiquement pluriel mais épistémologiquement non moins engageant, celui de certaines approches sociolinguistiques (à partir de “ce que parler veut dire”, P. Bourdieu), celui des linguistiques énonciatives et cognitives (A. Culioli, R.-W. Langacker, G. Guillaume, L. Talmy, G. Coll) et celui de la néoténie linguistique (S. Bajrić, R. Rezapour), le comprendre, en sa qualité de processus anthropo-phénoménologique, semble alimenter actuellement l’un des plus grands paradoxes apparents de notre époque : l’homme contemporain ne cherche plus vraiment à comprendre, il cherche plutôt à avoir compris. Le passage, quelque peu présomptueux, de l’infinitif présent à l’infinitif passé dans la phrase précédente ne saurait, en lui seul, traduire l’essentiel. En effet, portée par une ontologie physicaliste, qui conjugue quantophrénie, anomie, désubjectivation et individualisme, l’intercompréhension de nos jours repose de plus en plus sur une orientation herméneutique et interprétative nouvelle, où la démarche hypothético-déductive “à l’ancienne” n’a droit de cité qu’à certaines conditions. Ce sont ces dernières qui versent, en le fortifiant, dans le choix thématique du colloque Francontraste 2023, en tant qu’elles lui empruntent les bonnes notions de conceptualisation et de contextualisation discursives.

Admettons, l’espace d’un instant, que les problèmes de sens, de signification et d’interprétation aient préoccupé l’Homme tout au long de l’histoire des idées linguistiques, voire celle de la philosophie (du langage). Ce qui donnerait, succinctement, les rappels suivants (liste sélective) : l’antiquité grecque (sources européennes des études sémantiques), le Moyen Âge, la philologie pré-saussurienne, la sémantique lexicale de S. Ullmann, la sémantique structurale de A.-J. Greimas, la sémantique psychomécanique de G. Guillaume, la philosophie du symbolisme de E. Cassirer, la philosophie de l’imagination de M. Heidegger, ou, plus récemment, la sémantique interprétative de F. Rastier. Un examen approfondi de cette profusion de modèles théoriques permet d’en extraire une idée fondatrice nouvelle : pour comprendre, il convient de renoncer quasi-systématiquement à plusieurs mondes possibles (théorie véri-conditionnelle) pour n’en retenir qu’une voie unique et axiologiquement contraignante, celle qu’impose “le concept-contexte” de la visée discursive, assujetti à la variabilité des paramètres de l’acte de communication.

Mots clés : (le) comprendre, renoncement, concept-contexte discursif, sémantique des mondes possibles, domaine français

 

Jean-Claude Beacco, Sorbonne Nouvelle Université des cultures

Grammaire, lexique : même combat (didactique) ?

L’enseignement de la grammaire et celui du lexique sont deux domaines bien distincts de la didactique du français enseigné comme langue étrangère. Le premier, qui est aussi le plus représenté, a pour rôle de faire acquérir aux apprenants la morphologie et la syntaxe par des activités d’orientation explicative (description donnée par l’enseignant), par des activités analytiques (natures et fonctions), par des activités réflexives (« penser la grammaire à haute voix »)… La didactique du lexique a pour but de donner aux apprenants des stratégies pour comprendre le sens d’un mot en contexte ou celui des locutions (les phrasèmes de Mel’cuk) ; elles a aussi le but de décrire systématiquement le lexique dans des perspectives historiques (par ex. étymologie), formelles (par ex. préfixation, suffixation), sémantiques… Leurs projets formatifs sont donc différents.

On s’interrogera sur cette dimension de l’apprentissage grammatical, car elle remet en jeu la question du stockage mémoriel, à concevoir en relation avec les activités métalinguistiques réflexives.

Mots-clés : grammaire, lexique, didactique du FLE

 

Nenad Ivić, Université de Zagreb

La fiction vient quand elle veut: roman et histoire

L’analyse qui suit est dédiée aux romans historiques de Pierre Michon: Les abbés, Le dernier empereur d’Occident et Les Onze, dans le cadre des relations, parfois assez tendues, entre la pratique des historiens et la pratique romanesque qui marquent le XXe et le XXIe siècle. La poétique de la Nouvelle histoire vieillissante et son écriture, lestée de conséquences du tournant linguistique (bénéfiques ou maléfiques, selon la perspective adoptée) y est confrontée à la poétique et à l’écriture des romans de Pierre Michon dans le contexte de la production romanesque actuelle, elle aussi, dans la majorité de cas, revenue de son obsession langagière. Dans l’écart qui se creuse entre deux réalismes, celui de l’écriture historienne, d’une part, et celui de l’ écriture romanesque de l’autre, se loge, semble-t-il, l’entreprise particulière de Michon, son tournant historico-fictionnel.

Mots-clés : Historiographie, roman historique, Pierre Michon

 

Dominique Legallois, Sorbonne Nouvelle Université des cultures

Les relations localistes dans les constructions verbales

La communication porte sur les relations entre actants dans les constructions verbales du français : la construction transitive (N1 V N2), la construction transitive « indirecte » (N1 V N2 à N3), la construction dative à deux actants (N1 V à N2). À partir des réflexions de Bally (1932) et de Hjelmslev (1935), je propose de montrer comment dans ces constructions, les actants sont liés par des relations localistes de proximité, d’inclusion ou de distance (Legallois 2022) : selon les cas, l’actant objet est rapproché ou éloigné de l’actant sujet, l’actant sujet se rapproche (contact) de l’objet, ou encore l’objet est inclus dans la sphère du sujet, etc. Il s’agit ainsi de décrire des relations sémantiques primaires, à la base des relations syntaxiques. Ces relations sémantiques ont elles-mêmes pour origine des images schémas (Johnson 1987 que la linguistique cognitive a mis en évidence. Cette conception localiste pose des enjeux sémiotiques que j’essayerais de caractériser.

Bally Charles (1932) Linguistique générale et linguistique française, Paris

Hjelmslev Louis, [1935-1937], 1972, La catégorie des cas, Étude de grammaire générale, Universitetsforlaget i Aarhus, l935-37 ; réédition, Wilhelm Fink Verlag, Munchen.

Johnson Mark (1987) The Body in the Mind: The Bodily Basis of Meaning, Imagination, and Reason, University of Chicago Press, 1987.

Legallois Dominique, 2022, Une perspective constructionnelle et localiste de la transitivité, Londres, Iste group.

Mots-clés : constructions verbales, localisme, sémantique

 

Olivier Soutet, Sorbonne Université

La conceptualisation de l’approximation épilinguistique
à la construction discursive savante

La notion de conceptualisation est entendue de manière assez extensive dans la communauté des linguistes, entre, d’un côté, acte de discernement « automatique » (c’est-à-dire perçu comme « inconscient ») et d’effet immédiat (c’est-à-dire produisant sans retard un signe), opérant sur une donnée référentielle suivant une logique à la fois particularisante et généralisante et, d’un autre, élaboration problématisante, lente et incertaine, à l’intérieur d’un champ de savoir réputé spécialisé et en général abstrait.
La communication tentera de saisir cet écart en s’arrêtant sur trois modes de conceptualisation : (i) la conceptualisation « automatique », mais examinée à travers un semi-échec, dans les cas où elle n’est pas jugée satisfaisante par le locuteur et implique alors une sorte de correction discursive (niveau épilinguistique) ; (ii) la conceptualisation « préconstruite » fondé sur un accord tacite de la communauté (niveau métalinguistique, notamment observable dans le cadre  lexicographique) ; (iii) la conceptualisation « construite » par recherche d’une universalité réputée opératoire dans un cadre discursif savant clairement défini (niveau terminologique).

Mots-clés : épilinguistique, métalinguistique, terminologie, lexicographie, universaux 

 

Patrick Quillier, Université Côte d’Azur

Épos et parole intérieure

(Quelques réflexions anthropologiques,
linguistiques et poétiques sur la question de la conceptualisation et de
la contextualisation de la poésie épique aujourd’hui)

Il s’agira de se fonder sur les travaux des neurolinguistes, tels que repensés par quelqu’un comme Gabriel Bergounioux, notamment dans son livre Le Moyen de parler, Verdier, 2004. Les mécanismes permettant l’énonciation seront étudiés à l’aune des travaux de Gabriel Bergounioux, mais aussi de ceux de Jürgen Trabant et de tout le courant dit acroamatique. Ces questions seront aussi abordées via les contributions d’Alfred Tomatis. La conférence portera sur la question suivante : genre par excellence de la « contextualisation », un épos est-il possible en régime post-moderne ? Il s’agira de repenser l’épos possible ici et maintenant en le reliant, tout autant qu’on l’aura articulé avec les questions acousmatiques de la « parole intérieure » (Victor Egger), à son archéologie, permettant de dépasser le vieux débat entre « Anciens » et « Modernes ».

Mots-clés : endophasie, acroamatique, acousmatique, épos