Recueil des résumes PDF (3,2 MB)

Francontraste 2010










ZOPPELLARI Anna (Université de Trieste, Département de Philosophie, Langues et Littératures)


Pour une analyse géocritique de la parodie dans la littérature maghrébine d'expression française

 

Le but de notre intervention est de nous interroger sur la fonction de l’écriture parodique dans les littératures francophones et en particulier dans les littératures dites « du sud ». Notre analyse prendra en charge des exemples pris des littératures maghrébines, mais la problématique qu’elle entame se veut plus ample et typique des littératures issues du sud du monde. Notre intervention part de la double constatation que d’un côté la recherche sur les littératures francophones doit prendre en charge une perspective géocritique capable « de relancer le débat sur la question du rapport que [les littératures] entretiennent avec les territoires et les aires géographiques » (Garnier 2009), d’un autre côté l’étude de la parodie en contexte francophone implique une perspective capable de mettre en relation l’action de réécriture du texte parodique (l’hypertexte) avec le texte qu’elle parodie et le contexte littéraire auquel appartient l’hypotexte.

Dans la perspective de la mondialisation, s’interroger sur l’écriture parodique dans les littératures maghrébines implique nécessairement de s’interroger sur les conditions d’existence de ces littératures. Les littératures maghrébines sont des littératures jeunes, qui se sont développées dans une situation d’entre-deux, mais qui s’ouvrent dans le contemporain sur le rapport avec d’autres espaces appartenant à la « république mondiale des Lettres » (Casanova 1999). Dans ce contexte, non seulement l’analyse des modèles de référence devient prioritaire, mais leur utilisation en fonction parodique constitue un enjeu fondamental de l’espace littéraire. Quels sont les modèles ? Qu’est-ce qui est parodié ? En quoi la parodie met-elle en valeur la spatialisation symbolique sur laquelle repose la définition de « littérature au sud » et en quoi la met-elle en crise ? Peut-on penser que le recours des littératures maghrébines à l’écriture parodique (ou concepts proches) s’inscrit dans une réécriture de la symbolique nord / sud au niveau littéraire ?




ZORICA VUKUŠIĆ Maja (Université de Zagreb, Faculté des Sciences humaines et sociales)


Interdit au moins de 18 ans : Pause libertine – Pybrac de Pierre Louÿs

 

« In many people it is already an impertinence to say 'I'. (…)The first and only principle of sexual ethics : the accuser is always in the wrong. The whole is the false. » (Adorno, Minima Moralia, 29, Dwarf fruit, 50 :2005) niveau littéraire 

Pierre Louÿs, virtuose de la littérature érotique française, l'écrivain érudit, féru d'hellénisme, grand libertin, fieffé érotomane, et admirateur passionné de La Femme, dont l'œuvre, élaborée pendant plus de trente ans (1888-1921), à la fois vaste et radicale, réinvente l'érotisme à la charnière des deux siècles, le XIXe et le XXe. Pybrac est son entreprise poétique la plus vertigineuse, sans cesse reprise par Louÿs – les quelques cinq mille vers, dont ne sont publiés que 261, en font un texte aspirant à l`inachèvement - Pybrac eût pu se poursuivre à l'infini.

Ce petit recueil hallucinant de quatrains érotiques d`une verdeur inouïe (publié clandestinement en 1927, après la mort de l'auteur, par René Bonnel et Pascal Pia) n'est pas seulement imprégné d'une sensualité lourde, d'un érotisme fin de siècle voluptueux et capiteux ; en détracteur de l`hypocrisie, Louÿs transgresse les limites de l`érotisme. Comme dans le Manuel de civilité pour les petites filles à l'usage des maisons d'éducation, Louÿs détourne un genre moralisateur (Guy du Faur de Pibrac, 1529-1584) en une fantaisie érotique, tout en gardant la stricte organisation formelle de son modèle. Ce qui fait irruption, c`est l`ironie et la parodie – le rire. Louÿs fait mine de reprendre à son compte une formule sentencieuse édifiante, « Je n'aime pas à voir… », et la détourne en décrivant les frasques sexuelles les plus crues. Cette litanie se déroulant au rythme des alexandrins finit par créer un « effet quasiment hypnotique, à la façon de véritables mantras pornographiques ».
Les quatrains de Pybrac témoignent de son acharnement de reprendre et de ressasser les mots obscènes et les mêmes scènes qui le hantaient (les jouvencelles, le saphisme, la sodomie, etc.). Ce genre d' »exercice » ne se réduit pas à une simple répétition mécanique, comme chez les versificateurs du XVIIIe siècle – Louÿs semblent avoir composé ces quatrains comme en se jouant, dont chacun constitue un petit tableau preste et vivant, d'où le comique n'est jamais absent. Sa passion flagrante pour le vocable épouse une obscénité flamboyante et railleuse qui ne devient jamais monotone. Son œuvre est transfigurée par l'humour, une vraie ivresse de l`imaginaire, tout comme celle de Sade, et elle déploie un désir « qui se sait insatiable ». Chez Louÿs, la poésie érotique est à la fois un jeu et une rupture.

Pybrac pose au moins deux questions : celle de la « matérialité » du sexe et celle des limites discursives du sexe. Quand le scandale devient ennui, ce qui reste c'est la joie de la création et le plaisir du rire – pour adopter le geste louÿsien, parodique, nous allons nous demander si omne animal post coitum triste est ?