Recueil des résumes PDF (3,2 MB)

Francontraste 2010










ĆOSIĆ Vjekoslav (Université de Zadar, Filozofski Fakultet)

 

Traduire l’intraduisible

 

Dans la pratique du traducteur ou de celui qui s'occupe d'analyse contrastive il y a des cas où la seule solution est "la traduction libre", ou l'omission pure et simple. Dans la plupart des cas cela concerne les mots "grammaticaux": conjonctions, adverbes de phrase, particules, constructions particulières d'une langue. Quand il s'agit du croate et du français, c'est le cas de:
- croate: a, pa, pak, te, god, li, no;
- francais: bien, or, alors.
Certains de ces mots sont intraduisibles dans tous les cas comme: a, pa, pak, te, god croates, or, subjonctif français. D'autres ne le sont que dans quelques emplois particuliers. Par exemple, quand le mot croate li est le signe de l'interrogation (totale) il est traduit en français par l'inversion ou est-ce que. Mais quand il est employé après un mot interrogatif (interrogation partielle) kad, gdje, tko, il n'apporte qu'une nuance stylistique de surprise: kad li, gdje li, tko li. D'une manière générale, le phénomène relève de la sémantique logique, ainsi que de la théorie de l'énonciation et de la traductologie.

 

 

 

 

KREHO Vesna (Université de Sarajevo, Faculté des Lettres)

 

La traduction de textes lointains dans l’espace et dans le temps

 

Pour qui traduit-on? A première vue, une question rhétorique. Mais, en est-il ainsi? Si l’on est d’accord que la lisibilité et la communicabilité figurent parmi les critères majeurs pour juger de la valeur d’une traduction (littéraire ou autre), il en découle que le traducteur (double familier de l’auteur) est censé tenir compte de la capacité réceptive du lecteur supposé, de son horizon réceptif. Cela dit que le processus traductif, ses conceptions et ses enjeux doivent être conçus en vue de son destinataire, tout en préservant la totalité des éléments constitutifs du texte-source. Étant donné que tout texte littéraire est vivant, dynamique, plein de significations inconnues à l’auteur même, il faut absolument, pour assurer sa survie, qu’il se « régénère » (le mot est de Goethe) constamment. C’est au traducteur, entre autres, que revient cette tâche exigeante – et notamment lorsqu’il s’agit d'œuvres anciennes, difficiles d’accès pour maintes raisons. Comment faire « passer » ces œuvres, les rendre lisibles à tout un autre public que celui auquel s'adressait l'auteur? Préférer la traduction archaïsante à la traduction modernisante? Le même problème se pose au sein d’une même langue (intra-traduction). Depuis longtemps les Français lisent un Rabelais « modernisé ». Comment traduire la lyrique des troubadours sans verser dans l’hermétisme, au point de devenir illisible pour un lecteur contemporain? Question fondamentale, posée par Antoine Berman au sujet des traductions du poète métaphysique John Donne: faire un Donne français ou bien un Donne en français?

 

 

 

 

 

LE CALVE IVIČEVIĆ Evaine (Université de Zagreb, Faculté des Sciences humaines et sociales)

 

Le système scolaire en Croatie au XIXème siècle: un voyage terminographique dans le temps et l'espace

 

Il est généralement admis que le traducteur ne recourt ordinairement durant le processus de traduction qu'à la recherche terminologique ponctuelle, afin de répondre de façon immédiate à une des quatre questions suivantes: 1° Quelle est la notion désignée par ce terme (démarche sémasiologique)? 2° Quel est le terme qui désigne cette notion (démarche onomasiologique)? 3° Ce terme est-il juste pour désigner cette notion (attestation de la correspondance)? 4° Comment traduire ce terme (recherche d'équivalence)?
Cependant, on peut reprocher à la recherche terminologique ponctuelle de pécher par l'absence de fondement théorique. Ce grief est d'autant plus justifié lorsque le traducteur est confronté à une autre question, à savoir: 5° Quelle est la réalité recouverte par cette notion (découpage notionnel)?  
Dans cette perspective, on perçoit les vertus de la recherche thématique, dont la méthodologie conduit à l'étude et la description du micro-système notionnel en présence.
La présente contribution s'efforcera de présenter la démarche mise en œuvre par la recherche terminologique thématique à partir d'une application pratique, à savoir un texte de petite taille traitant
du système scolaire en Croatie de la fin du XVIIIème au début du XXème siècle. A la lumière de cet exemple, nous décrirons tout d'abord les phases de la recherche, depuis la première lecture du texte, jusqu'à la détermination des équivalents. Ce dernier stade nous amènera, dans un deuxième temps, à évoquer les difficultés que soulève le choix de l'équivalent 1° compte tenu de l'éloignement dans le temps, 2° compte tenu de l'éloignement dans l'espace.

 

 

 

 

 

LEHTINEN, Mari (Université de Helsinki, Département des langues modernes)

La traduction finnoise des phrases sans verbe fini dans Huit clos et Les Mains sales de Jean Paul Sartre

 

Cette communication portera sur la traduction des phrases sans verbe fini dans les versions finnoises de  Huit clos et des Mains sales de Jean-Paul Sartre. Par ‘une phrase sans verbe fini’ nous entendons une séquence entourée de deux signes de ponctuation forte (le point, le point d’exclamation, le point d’interrogation, les points de suspension) et commençant par une majuscule ; la séquence suivante commence aussi par une majuscule, s’il y en a une (Larjavaara 2003). Les phrases sans verbe fini ont été étudiées antérieurement avant tout dans la presse française où elles constituent, en effet, un phénomène bien fréquent (Drillon 1991 ; Larjavaara 2003). Selon nos résultats préalables, ce phénomène est cependant beaucoup moins fréquent dans la presse finnoise (Lehtinen, en cours). Par conséquent, les phrases sans verbe fini constituent un trait nettement plus marqué dans les textes finnois que dans les textes français. Cela constitue naturellement un défi pour un traducteur qui entreprend de traduire un texte littéraire du français en finnois. Dans cette communication, nous allons présenter différentes stratégies employées par les traducteurs de Huit clos et des Mains sales pour interpréter en finnois les phrases sans verbe fini apparaissant dans le texte d’origine. Comme l’auteur fait grand usage de ce type de phrases surtout dans ses pièces de théâtre, les deux pièces sous étude constituent un  corpus qui nous semble particulièrement intéressant.

 

 

 

 

 

MEREY SARAJLIJA Dijana (Poliklinika SUVAG)

 

Comment traduire un tableau ?

 

A la différence du signe linguistique qui est arbitraire, le signe poétique cherche à être  motivé. Ce n’est qu’en relation avec d’autres signes d’un même poème qu’il peut exister. Il essaie de ressembler le plus fidèlement possible à son contexte de sorte qu’en parfaite harmonie avec d’autres éléments, il crée l’individualité et l’originalité de son espace poétique. Il n’y a plus de lettres, de mots, de phrases, de vers, de ponctuation – le poème devient un seul signe poétique pluridimensionnel.
D’après mon analyse phonostylistique du poème de Jure Kaštelan Ja ne znam gdje lutam (Govor XXIII, 2006)), je propose, sous le titre Dans mon errance, sa traduction/adaptation en français. Ce poème abonde en procédés de « reflets » (assonances,  allitérations, homophones poétiques, rimes, structures du miroir) ainsi qu’en procédés de « condensation » (inversions, appositions, propositions elliptiques). En ayant pris soin de ne pas déchirer ce tableau que le poète a peint avec tant de subtilité, j’ai commencé la traduction à l’endroit où le poème est le plus fort – par sa strophe-clé. Fondée sur la structure du miroir, elle embrasse les mots dont la matérialisation sonore ne leur permet pas d’être de simples unités langagières, mais les motive vers d’autres éléments, en établissant parmi eux les liens verticaux. En suivant ces liens des procédés poétiques, tout en modifiant, agençant et ajustant leurs sons selon les besoins du contexte français, j’ai toujours veillé de préserver leur structure spatiale qui assure la simultanéité et la globalité du signe poétique.