Recueil des résumes PDF (3,2 MB)

Francontraste 2010










DINVAUT Annemarie
(Université Lumière – Lyon 2,

Laboratoire Interaction Corpus Apprentissages Représentations - ICAR
)

 

Le plurilinguisme dans les Ecrits Intimes d’Isabelle Eberhardt

 

Nous explorons les Ecrits Intimes (correspondance) d’Isabelle Eberhardt (1887 – 1904) pour y observer les traces de ses relations à l’espace, aux langues et à une ou des citoyennetés. Femme de père inconnu, sans mère patrie ni Vaterland, Isabelle Eberhardt choisit avec quelles terres tisser des liens. Elle ne les tisse pas sur la trame de la nationalité, mais sur celles du quotidien, de la création et de l’islam. Figure cosmopolite, elle ne prend de l’identité nationale que les éléments qui lui sont nécessaires. Par son destin particulier et sa capacité de liberté, elle entretient une relation à l’espace et aux appartenances comparable à celle des marchands du dix-septième siècle ou des entrepreneurs nomades aujourd’hui, saute-Méditerranée, migrants pendulaires ou circulatoires, amenés par les contextes politiques et économiques à des allégeances provisoires et labiles, à des « carrières d’errance » (Tarrius). Nous tentons d’analyser, à la lumière des travaux de sociologues et d’anthropologues de la migration (Peraldi, Tarrius, Wieviorka) et d’historiens (Dakhlia, Kayser), de quelle manière Isabelle Eberhardt dessine ses espaces et maîtrise sa trajectoire, par son écriture plurilingue, « liminale » (Dakhlia), par ses appartenances plurielles et ses différentes identités (nationale, épistolaire, noms de plume).

 

 

 

 

 

GENEIX Nicolas (Université Paris IV – Sorbonne)

 

Paganel, ou les fantaisies d'une géographie énumérative

 

On se propose d'analyser l'un des personnages de scientifiques les plus fameux de Jules Verne, héros secondaire et cependant essentiel des Enfants du Capitaine Grant (1865-1868). La perspective adoptée consiste à étudier une création romanesque symptomatique des tendances didactiques et encyclopédiques de la seconde moitié du XIXème siècle, dans un espace culturel français élargi et marqué par un certain positivisme et la foi d'un monde partout à connaître, voire partout habitable. Au fil de ses discours doctes et passionnés, le géographe Paganel, affiche un goût anthologique pour l'espace cartographié, qu'il connaît par ses lectures, puis vérifie via la fiction vernienne. Néanmoins, au sérieux de ses "cours magistraux" (Daniel Compère), qui suspendent moins qu'ils n'animent le récit de voyage, s'ajoute la fantaisie de ses distractions amenant les conciliants protagonistes écossais du roman à le suivre sur plusieurs continents. Personnage contrastif, Paganel est un Français polyglotte et curieux de tout, adoptant une double posture, identitaire et universaliste. Son érudition, par définition européenne, alimente une "démarche pédagogique" (Lionel Dupuy) adressée à tous. Ego imaginaire du romancier Verne, peut-être influencé par le jeune Élisée Reclus, Paganel a lu tous les livres et, dans l'abondance des savoirs compilés, s'exprime par des listes scientifiques finalement poétiques. Personnage historiquement et idéologiquement situable, mais plus encore figure du "tiers-instruit" (Michel Serres), il parle la langue des savants de son temps dans un style énumératif propre à Jules Verne. Tenant registre d'un savoir géographique cumulable, tous deux cataloguent un monde jugé alors comme à portée de la main du voyageur ou de l'écrivain.

 

 

 

 

 

GUYADER Hervé (Université de Bretagne Occidentale, UFR Lettres et Sciences Humaines)

 

Nicolas Bouvier et la musique : l'espace du son, l'espace du verbe

 

Nicolas Bouvier (1929-1998) est surtout connu pour avoir composé L'Usage du monde, récit d'une partie du voyage qu'il a effectué entre Zagreb et Tokyo dans les années 1950. Après avoir suivi des cours de piano au conservatoire de musique de Genève, puis entrepris des études de droit et d'histoire à l'université de Genève (avec des professeurs comme Marcel Raymond et Jean Starobinski), Bouvier se lance sur les routes de l'Orient à l'âge de 24 ans. A son arrivée au Japon, c'est un Nicolas Bouvier poncé, limé par la route, les rencontres, les confrontations à la diversité du monde qui apparaît.
Un des motifs de son départ sur les routes de l'Orient est la découverte de toutes les musiques populaires, en particulier la musique tzigane, qui sont pour lui comme une caverne d'Ali Baba. La musique tient une place centrale dans l'œuvre de Bouvier, que ce soit dans ses textes, ses photographies, les interviews qu'il a accordé à la télévision et à la radio, ou encore ses propres enregistrements. Les descriptions des instruments populaires, des musiciens et des concerts auxquels il a assisté sont nombreuses. Mais comment décrire les moments de bonheur inouï que lui procure l'écoute de ces musiques ? Bouvier reconnaît volontiers buter sur la limite des mots : seule la musique, selon lui, est capable de transcender ceux-ci.

 

 

 

 

 

IVANOVSKI Lea (Université de Zagreb, Faculté des Sciences humaines et sociales)

 

L’espace du rituel chez Jean Rouch et Jean Genet

 

Nous nous proposons d'étudier le lien entre deux grandes figures du 20ème siècle. L’un est Jean Genet, l’écrivain, dramaturge, poète et cinéaste, un personnage controversé qui sort de toutes les normes avec sa passion pour les hommes, le vol et l'extrémisme politique. L’autre est Jean Rouch, réalisateur et ethnologue, créateur du « docufiction » et l’un des fondateurs de l’anthropologie visuelle.
Tous deux donnent à l’espace du rituel un rôle de premier plan dans leur œuvre. Jean Rouch filme cet espace pour transmettre visuellement l'impression de sa caméra sur les rites des peuples africains, rites sur lesquels il fonde toute sa carrière. Jean Genet, dont l'un des drames les plus connus, Les Nègres, est directement inspiré par le film le plus fameux de Rouch, Les Maîtres fous, déploie cet espace du rituel sur la scène théâtrale. Ainsi, ces deux artistes, chacun à sa façon, transposent l’espace du rituel dans deux espaces différents, cinéma et théâtre, en l’exploitant comme thème principal de leur travail de création.
Dans notre exposé, nous analyserons comment et combien l’espace du rituel est présent dans Les Nègres et Les Maîtres fous, quels en sont les points communs et divergences, puis dans quelle mesure et comment le rite se manifeste dans l’inspiration et la création de Genet et de Rouch.





LEFTER Dianna-Adriana (Université de Piteşti, Faculté des Lettres)

 

Espace et identité dans « Le Roi Candaule » d'André Gide

 

Notre travail se propose d’analyser la modalité d’inscription de l’identité dans le théâtre gidien. Les prémisses de notre démarches sont deux constantes des personnages qui peuplent la création d’André Gide : l’interrogation sur le « vrai moi » et le goût pour le permanent balancement entre l’être et le paraître, entre le vrai moi et le moi-acteur. Il convient donc d’étudier la relation entre le moi et l’espace dans le théâtre, pour deux raisons : d’une part le travail au niveau du personnage et de l’histoire va nous permettre de relever la relation entre le processus de découverte du moi et l’espace dans lequel évoluent les personnages. Là dessus on peut déceler plusieurs types d’espaces – espaces auxquels le personnage appartient, espace dont il est déraciné, espace public, espace privé, etc. D’autre part, on va voir dans quelle mesure le personnage-acteur est lié à l’espace scénique et en quoi cette relation influence sa découverte ; en d’autres mots, comment le moi-acteur se découvre sur la scène, pendant qu’il joue un/son rôle.
On va également mener notre analyse en distinguant les deux catégories d’œuvres dramatiques de Gide, selon un critère thématique : celui du mythe. Ainsi, nous allons analyser les relations entre les personnages et l’espace dans les pièces de théâtre qui reprennent des mythes bibliques : Saül et Bethsabée et dans les pièces qui proposent des reprises des mythes classiques gréco-romains : Le Roi Candaule et Œdipe. Ce travail, mené sur l’ensemble de l’œuvre dramatique de Gide (on exclut les pièces frag
mentaires et « Le Treizième arbre »), va nous permettre de déceler les constantes du processus de la découverte du moi dans la relation avec l’espace dans la dramaturgie gidienne.