Francontraste 2010
« Épouse et n’épouse pas ta maison » : espace poétique, espace personnel dans Les Matinaux et La Parole en archipel
Une parole qui s’élève vers l’ « éclair », et qui en même temps se trouve ancrée dans le concret d’un espace : ainsi peut-on caractériser la parole de René Char. Cet espace fondateur n’est pas seulement celui, restreint, d’une région ou d’un pays, même si certains lieux, comme la Sorgue, jouent un rôle à la fois mémoriel et symbolique. Ce n’est pas non plus le seul espace, éventuellement magnifié, des souvenirs personnels. La nature en est une pierre angulaire mais ne suffit pas non plus à le caractériser dans le sens où il s’agit d’un espace également imaginaire, faisant image, créé par l’imagination et mis en forme par les mots. A la fois « site » où se bâtit une existence, « lieu » de la création de nouvelles valeurs, « maison » qui ne doit pas devenir close sur elle-même mais permettre d’accueillir Autrui avec ses « richesses », ses « découvertes », l’espace charien est donc pluriel, enracinement et envol, interrogation existentielle et célébration du quotidien, dialogue et contemplation. Le poème, dans ce contexte, n’est plus seulement mise en forme de cet espace, mais « indique le chemin mobile » : les mots, par l’énigme qu’ils maintiennent, par leur obscurité réaffirmée, créent un espace qui reste vivant et permettent de voir autrement.
Villes dans la littérature migrante. Souvenirs comme inspiration romanesque et espace de remémoration
En partant de la définition des villes romanesques symbolisant la réalité « feinte » par rapport aux souvenirs que Marthe Robert donne dans son livre inspirant, Roman des origines et origines du roman, nous nous proposons d’analyser la manière spécifique par laquelle les villes sont présentes dans les romans des romanciers québécois contemporains. Vu la complexité du sujet, nous allons nous limiter à quatre romanciers appartenant à la littérature migrante francophone : nous analyserons la place symbolique qu’occupent des villes dans la narration de Naïm Kattan, de Négovan Rajic, de Ljubica Milicevic et de Ying Chen. Kattan est né en Iraq, Rajic et Milicevic en ex-Yougoslavie et Chen en Chine et tous les quatre, ils ont choisi le Canada, voire le Québec pour leur nouveau pays et la langue française comme la plus apte à exprimer leurs idées sur les lieux « éloquents ». Appartenant à des générations différentes, à des religions différentes et à des cultures différentes, ces romanciers et romancières partagent le désir de communiquer aux lecteurs les lieux de la remémoration qui leur sont chers. Grâce à l’espace de la communication qui leur est commun, ces écrivains partagent le même espace dans la narration littéraire, tout en se servant de moyens différents pour le communiquer aux autres.
Africaines, elles écrivent depuis la France... au sujet de l'Afrique
Romancières africaines, d'origine camerounaise, Calixthe Beyala et Léonora Miano, vivent en France. Dans leurs productions littéraires, du moins dans les toutes premières en ce qui concerne Beyala, l'Afrique, le Cameroun notamment, est au cœur des préoccupations. Léonora Miano, dans une interview accordée au magazine Amina, affirme : « j'essaie de mettre à jour le mal que les Africains se font à eux-mêmes. » À la question de savoir si elle rentrait souvent chez elle, au Cameroun, Léonora Miano répond : « Non, cela fait longtemps que je n'y suis pas allée ». Ainsi, l'on pourrait se poser des questions sur l'écriture et la réception de leurs œuvres ; pourquoi écrivent-elles, pour quel public ? Immigrées, il serait important de s'interroger sur la pertinence de leurs propos, totale spéculation ou témoignage véridique ? Cet éloignement n'influence-t-il pas leur vision du monde, de leur monde ? Surtout, pourquoi cette immigration ? Beaucoup d'écrivains, africains ou non, connaissent cette situation. Dans le cadre de ce colloque, en apportant des éléments de réponse aux questions ci-dessus posées, à travers des productions littéraires de Calixthe Beyala et de Léonora Miano, nous espérons lever un pan de voile sur le paradoxe que vit l'écrivain immigré, inquiet du devenir de sa société d'origine.
Écriture de l'espace ou l'espace dans l'écriture de Marguerite Duras
Que ce soient des romans, des récits, des scénarios de films ou des pièces de théâtre, on remarque chez Marguerite Duras une prédilection pour les noms des lieux dans le choix des titres : Un barrage contre le Pacifique, Le marin de Gibraltar, Les petits chevaux de Tarquinia, L´Amant de la Chine du Nord, Hiroshima mon amour, L´homme assis dans le couloir… Quel est le rôle assigné à l'espace dans l´œuvre romanesque de Duras, notamment dans le cycle indochinois : Un barrage contre le Pacifique (1950), L'Amant (1984) et L'Amant de la Chine du Nord (1991) ? Le déplacement dans l’espace mène-t-il à une métamorphose des personnages ? Quelle est la valeur symbolique des espaces ouverts (la pleine, la mer, la ville) et des espaces fermés (la maison, le cinéma ou encore la voiture)? Qu'en est-il de la récurrence obsessionnelle de la mer ? L'espace, est-il perçu comme menace ou comme promesse ?
L'(in)communicabilité de la parole solitaire dans la dramaturgie francophone contemporaine
En remettant en question la difficulté de dire et les failles de l'échange verbal, le théâtre contemporain des trois dernières décennies explore de nouveaux modes de raconter. Or, cette narrativité, considérée déjà comme un phénomène caractéristique de l'esthétique postdramatique telle que la définit Hans-Thies Lehmann, pousse plus loin la réflexion sur le problème de communication avec l'autre. Comment balancer sans cesse entre volonté de dehors et celle de dedans sans se trouver bloqué dans un état qui ne permet plus de se situer ni dans un ailleurs imaginaire ni dans un ici virtuel ? C’est à cette question que la parole monologuée du théâtre contemporain veut, semble-t-il, répondre. Notre objectif sera, donc, d’examiner les modalités d’expression et de communication du personnage dramatique qui, se trouvant seul en scène, raconte au spectateur son expérience pour retrouver sa cohérence.