Section Sciences du langage

Vitez Primož,
Université de Ljubljana, Slovénie

« Le discours métalinguistique entre l’individuel et le social »

Dans le passage bien connu de Labov où l’auteur problématise l’emploi saussurien du concept « social » et son lien inextricable avec l’ « individuel », le sociolinguiste entame plusieurs questions concernant le statut épistémologique de la linguistique, ses sujets et ses méthodologies. Il constate qu’un linguiste pourrait très bien se porter lui-même témoin de ses propres investigations scientifiques si l’on accepte sans réserve le fait que le système linguistique existe sous forme de représentation mentale dans le cerveau de n’importe quel locuteur. Le paradoxe saussurien nous donne accès à une vérité qui n’est pas seulement révélatrice de la réalité scientifique de la linguistique en tant que domaine de connaissance, mais permet en même temps d’entrevoir la nature même du rapport entre le locuteur et sa capacité de se servir d’une langue. En d’autres termes : la formation de l’individu se fait à travers son utilisation de la langue, mais la langue elle-même est sujette aux altérations, provoquées par la pratique langagière qu’exercent les individus.

L’enchevêtrement des fonctions que la langue exerce dans le processus communicatif, l’auto-référence métalinguistique par laquelle la langue fait constamment appel à soi-même, l’impossibilité, pour un locuteur, d’agir en dehors de sa langue, tout cela nous amène à soupçonner qu’il doit en résulter une certaine complexité concernant la condition de ceux qui s’avisent d’observer la langue et ses pratiques, c’est-à-dire les professionnels de la langue et parmi eux, le linguiste.

 

Vladimirska Elena,
Université de Lettonie, Lettonie

« Les marqueurs discursifs “intersubjectifs” du français : approche sémantique et prosodique »

La fréquence et la variété combinatoire et prosodique que présentent les interjections ah/oh/eh en français oral, rend difficile la description de leurs multiples valeurs et « effets de sens », et en font un « phénomène linguistique à plusieurs visages ». Depuis une trentaine d’années, les interjections sont largement étudiées dans une perspective pragmatique, cognitiviste et énonciative. Nous proposons ici une approche qui consiste à considérer les interjections ah/ oh/eh/ en tant que marqueurs discursifs faisant partie de la classe des MD « intersubjectifs » (Paillard, 2014). Nous montrerons qu’on peut rendre compte de la sémantique de ces MD à travers l’analyse de la mise en jeu des espaces subjectifs des énonciateurs. Dans cette perspective, nous proposons une analyse distributionnelle et prosodique de ces marqueurs et de leur combinatoire la plus fréquente en français oral.

 

Volk Dražen,
Faculté de philosophie de la Compagnie de Jésus à Zagreb, Croatie

« La sémiotique de Charles Sanders Peirce »

Dans cet article, je me propose d’étudier la sémiotique de Charles Sanders Peirce, ou en d’autres termes sa doctrine des signes. La sémiotique contemporaine se divise globalement en deux écoles, dont la première trouve son origine chez Peirce, et l’autre chez le linguiste suisse Ferdinand de Saussure. Ce dernier courant, qui en est venu à dominer le vingtième siècle, s’est appelé à l’origine sémiologie.

Ma présentation de la sémiotique de Peirce sera centrée autour des quelques points suivants : différence entre la sémiotique de Peirce et la sémiologie de Saussure, définition du signe dans la doctrine des signes de Peirce, explication de interprétant et objet, et grandes lignes d’une classification des signes.

En conclusion, je vais essayer d’examiner les diverses applications de la sémiotique de Peirce au XXe siècle comme dans la science et la philosophie contemporaine.

 

Yaiche Francis,
Université Sorbonne Paris 4, France

« La métaphore ou comment entrer simplement dans la complexité. Commentaire ou comment-faire-taire ? »

Même si la métaphore est une forme de défaite de la pensée et de l’expression, elle reste une façon simple d’aborder primairement un phénomène complexe, d’angler un objet protéiforme – les réseaux sociaux et, au-delà, les réalités socio-techniques contemporaines – un objet en perpétuelle « métamorphose ». Nous proposerons donc de penser la question – décisive et indécidable – de l’espace et des lieux dans les réseaux sociaux (politiques et publicitaires) à partir d’une métaphore pâtissière : les réseaux sociaux comme « donut », sans oublier toutefois de déconstruire ensuite cet échafaudage conceptuel.

Cette spécialité culinaire, typiquement nord-américaine, exotique, qui a conquis le monde, tout comme les réseaux sociaux nord-américains, nous permettra d’aborder ces « objets » comme des créations marchandes attractives et addictives, créant du désir et de la frustration, objets surtout dont la plus grande partie est constituée, en leur centre, par de l’absence et du vide. Mais la métaphore du « donut » est également opératoire pour décrire « l’état » ambivalent dans lequel se trouve l’individu fréquentant les réseaux sociaux. Un entre-deux où le cœur et la raison balancent, entre fascination et répulsion, désir d’y être, d’aller voir, et désir d’abandonner, de s’arracher à de telles addictions. En effet, « être (ou ne pas être) sur les réseaux sociaux » semble constituer, de nos jours, l’alpha et l’oméga des « digital natives » pour « ex-ister », c’est-à-dire, au sens étymologique pour « être hors de soi ». Mais cette façon de ne plus jamais être chez soi, pour soi, à soi est-elle une façon d’être aux autres, de se distribuer de façon atomisante et eucharistique au reste du monde ? Rien n’est moins certain car nous avons, avec les nouveaux media, dépassé les enjeux et les limites de la « société du spectacle » de Guy Debord pour entrer dans celles pensées par la médiologie. Il n’y a désormais plus de lieu-théâtre (donc plus de catharsis) avec les réseaux sociaux, car nous sommes tous en scène, tous acteurs dans une logique triadique d’immédiateté, de spontanéité et de proximité. Et ce « tout-à-l’ego » charruant des tonnes d’immondices (grossièretés en tout genre, insultes, vulgarités, violences verbales), constitue bien un nouveau gueuloir, un nouveau déversoir, qui n’a rien à voir – malheureusement – avec l’antique purgation des passions.