Section Sciences du langage

Bruckert Roseline,
Université de Dijon, France

« La sexualisation des noms dans les langues »

Dans des langues telles que le français ou l’allemand, les noms possèdent un genre. Celui-ci peut être masculin, féminin ou neutre dans le cas de l’allemand. D’autres langues telles que l’anglais ou le japonais n’en possèdent pas ou il n’est pas apparent. Nous montrerons dans cette étude que le genre des noms n’est pas arbitraire dans les langues mais révèle des images inconscientes qui déterminent le genre d’un nom en fonction de sa nature. Ainsi, le même nom peut changer de sexe selon la langue dans laquelle on le dit. L’image que nous avons d’un nom change-t-elle selon notre langue maternelle ? Notre société influence-t-elle notre vision du monde et ainsi influence-t-elle aussi notre vision du genre des noms ?

C’est pourquoi dans cette étude, nous tenterons de démontrer que le genre du nom est un système de bicatégorisation hiérarchisé entre le sexe (homme/femme) et les valeurs et représentations qui y sont associées (masculin/féminin) et ce que cela implique pour les langues qui ne font pas cette différenciation. Pour ce faire, nous partirons des travaux de Gustave Guillaume sur le problème de l’article et sa solution dans la langue française avant de nous en éloigner pour élargir notre recherche aux autres langues citées ici.

 

Cholewa Joanna,
Université de Bialystok, Pologne

« Contexte et choix du verbe polonais dans la traduction : exemple de la construction N0[+humain] + tomber »

Tomber intransitif utilisé avec le sujet humain dans le sens de déplacement sert à exprimer le mouvement de haut en bas, résultant d’une perte d’équilibre, intervenu suite à l’effet de la pesanteur (ou autre), la cible y ayant un rôle passif, c’est ce qui résulte des définitions de dictionnaires et des études faites à propos de ce verbe. Or, l’analyse contrastive du sens choisi du verbe tomber comparé à ses correspondants polonais laisse surgir des doutes sur le caractère sémantiquement homogène de celui-ci. En effet, il se traduit en polonais soit par le couple perfectif/ imperfectif paść/padać, soit par upaść/padać, le choix libre de la forme perfective étant admissible dans certains contextes.

Nous voudrions démontrer que : 1) la forme polonaise sans préfixe paść et la forme préfixale upaść décrivent chacune un type différent de déplacement, même si dans certains cas deux formes sont acceptables ; 2) chacune de ces formes s’utilise pour traduire une nuance de sens distincte de tomber, et, ce qui en résulte 3) tomber au sens de ‘choir, chuter’ peut exprimer deux types de déplacement de la cible.

L’analyse des exemples du corpus permet d’affirmer que tomber au sens de ‘choir, chuter’ utilisé avec le sujet humain exprime soit le mouvement incontrôlé, où seule la force de gravité agit sur la cible, soit le mouvement contrôlé, où à cette force de gravité, à la pesanteur s’ajoute la volonté de la cible à effectuer le déplacement. Deux formes du polonais qui servent à traduire tomber le font en fonction du contenu sémantique véhiculé par le contexte du verbe.

 

Damić Bohač Darja,
Université de Zagreb, Croatie

« Complémentation verbale, nominale et adjectivale en français et en croate »

Dans cette contribution nous nous consacrerons à l’étude des schémas de complémentation verbale, nominale et adjectivale en français et aux difficultés auxquelles doivent faire face les croatophones apprenant le français. Ces difficultés seront illustrées par des erreurs types recueillies dans les productions écrites et orales des étudiants en philologie française. Notre étude se fera dans le cadre de l’opposition de la rection forte et de la rection faible qui correspond à l’opposition :

– des propriétés lexico-grammaticales du noyau qui détermine la forme et le choix de la préposition de son complément ;

– des propriétés lexicales du noyau qui sélectionne son complément.

Alors que dans le cas des syntagmes verbaux il s’agira des compléments requis et régis par le verbe auquel le verbe impose la forme et la présence (compléments d’objet relevant de la rection forte) ou des compléments dont la forme est libre parce qu’elle n’est pas imposée par le verbe (compléments circonstanciels relevant de la rection faible), dans le cas des syntagmes nominaux il s’agira des compléments déterminatifs dont la construction, le choix de la préposition et l’emploi ou l’omission de l’article dépendent du sémantisme du complément (opposant ainsi les compléments d’appartenance aux compléments de caractérisation) ou bien des relations syntaxico-sémantiques des éléments dans les syntagmes dont le noyau correspond à une forme verbale nominalisée et son complément à une fonction (agent, objet, circonstance). A ces types de complémentation seront ajoutés les compléments de l’adjectif – l’adjectif étant aussi un élément recteur quand son sémantisme demande qu’il soit complété par un groupe prépositionnel.

Notre objectif est de répondre à la question dans quelle mesure il est possible, dans les deux langues, d’appliquer l’opposition de la rection forte et de la rection faible aux types de complémentation nominale et adjectivale.

 

Derkx Valérie,
Université de Zadar, Croatie

« L’intuition linguistique : de la langue au discours »

L’intuition, processus cognitif inconscient et ineffable à bien des égards, fait pourtant partie de notre quotidien. Elle entre notamment en jeu lors de l’appropriation de la L1 par l’enfant en facilitant chez ce dernier la structuration du langage ainsi que l’assimilation des particularités de sa L1. Il s’agira, tout d’abord, de définir l’intuition linguistique en s’attachant à montrer qu’elle s’ancre dans la langue et donc dans le plan de la représentation (Gustave Guillaume), et qu’elle joue également un rôle dans les jugements langagiers et a fortiori dans l’évolution de la langue. Ceci nous amènera ensuite à aborder la mécanique intuitionnelle, concept guillaumien, qui n’est autre qu’un « ensemble de mécanismes psychiques sur lesquels est fondée universellement la […] construction du langage dans le temps » (Boone et Joly, 2004 : 272). Enfin, nous tâcherons d’analyser comment l’intuition permet à l’enfant de structurer sa L1 et de pouvoir ainsi passer de la langue au discours. Nous évoquerons le même rôle que l’intuition peut endosser chez le locuteur non confirmé en cours d’apprentissage-acquisition de toute L2. Nous mentionnerons alors le caractère variable (en degré et en forme) que l’intuition linguistique peut présenter et qui offre ainsi au locuteur la possibilité de s’adapter aux différentes facettes et composantes d’une langue naturelle.

 

Ferhat Salem,
Université KASDI Merbah-Ouargla, Algérie

« Quand le cadre énonciatif ajuste le langage et donne sens au discours »

Les mots ne sont parfois signifiants que s’ils sont mis dans un contexte, en fonctionnement, composant une unité égale ou supérieure à la phrase, le discours. Ce dernier, à son tour, pourrait avoir comme définition la coopération d’éléments d’ordre linguistique et d’autres d’ordre non linguistiques de certaines circonstances qui agissent sur son volet d’encodage et celui de décodage.

Le cadre énonciatif est définitoire, il déplace le mot de son caractère de langue à son caractère de discours, comparable à l’opposition phrase/énoncé. Néanmoins, dans la situation de discours, la langue n’est plus un élément de partage de l’énonciateur et l’énonciataire puisqu’une compétence communicative s’impose comme capacité d’utiliser les mots dans une orientation sémantique non forcément celle préexistante comme donnée dictionnairique ; un phénomène notamment marqué par l’usage des mots dans le langage poétique qui donne d’autres signifiés non répertoriés dans les dictionnaires et non significatifs hors de ces emplois particuliers. D’après Benveniste, avec la phrase, on quitte le domaine de la langue vers le discours. Ce dernier, par conséquent, se fonde sur une construction énonciative contrairement au savoir lié à la signification du mot. En ce sens et en matière de terminologie, la langue par opposition au discours pourrait concerner l’unité phrase avec le sens dénoté des mots, sans toute intervention de caractère extralinguistique quant à son assimilation. Néanmoins, la phrase pourrait aussi être prise comme unité de discours et exige une lecture externe de la langue.

Nous voudrions à travers cette communication montrer, suivant une approche énonciative, comment les mots dans le discours construisent le sens non seulement par les signifiés des mots eux-mêmes, d’ordre linguistique, mais encore par le biais d’une coopération d’ordre non-linguistique.

Mots-clés : discours, construction énonciative, ordre linguistique, ordre non-linguistique, sens