Recueil des résumés – Section Sciences du langage

Elisabeth MICHE

Universitat Pompeu Fabra, Barcelona

Le marqueur de subjectivité: sans doute et ses équivalents en espagnol

En linguistique, la locution adverbiale sans doute appartient à la catégorie des adverbes épistémiques qui se réfère à l’opinion et à l’attitude du sujet parlant (le modus) vis-à-vis de ce qu’il dit (le dictum). Autrement dit, c’est la catégorie grammaticale et sémantique qui s’occupe de l’attitude et de l’opinion du sujet sur la vérité de ce qu’il dit en termes de probabilité (cf. González Vázquez, 2006 : 19).

Cette locution nous semble intéressante d’analyser pour au moins deux raisons. Du point de vue de la traduction il est intéressant de voir que deux formes semblables sans doute (français) et sin duda (espagnol) n’ont pas le même sens dans ces deux langues. Alors qu’en français il exprime une plus ou moins grande probabilité en fonction du contexte, en espagnol, ce marqueur exprime la certitude du sujet parlant vis-à-vis de la vérité de ce qu’il dit. Du point de vue de l’information qu’elles véhiculent, ces locutions montrent l’interaction qui existe entre l’épistémicité, la subjectivité et l’évidentialité (la source du savoir).

Nous décrirons essentiellement les instructions sémantiques et pragmatiques du marqueur français et le type de connaissance auquel il renvoie afin de le distinguer de sin duda. Notre corpus provient d’internet et de la littérature française. Tous les exemples analysés sont authentiques. Afin d’observer ses emplois, nous analyserons différentes modalités du discours: affirmative, négative, interrogative, ainsi les structures monologales et dialogales.

Nous partons du postulat une analyse purement logique se révèle inefficace pour expliquer les différents usages de ces locutions. La valeur logico-sémantique des modaux en passant par le sujet parlant se transforme en une opération énonciative qui affecte l’acte de langage. L’aspect énonciatif consiste en effets polyphoniques qui dépendent de l’élection d’un point de vue. Le sujet parlant juge comme certain, probable, sûr ou douteux les faits communiqués, apportant ainsi une force illocutoire à son énoncé et jouant à se distancier ou à s’associer avec les différentes voix qu’il convoque dans les énoncés moyennant chacune des marques modales.




Bérengère MORICHEAU-AIRAUD

Université de Pau et des Pays de l’Adour, France

Le style comme ‘subjectivation’

Par différence avec une présence discontinue de procédés stylistiques, le style est reconnu désormais comme un système englobant d’où naît un sentiment de singularité, et la notion d’énonciation s’impose pour penser son articulation avec le plan de la langue : le style est l’inscription de l’énonciation dans cette dernière, en tant qu’appropriation de cette langue à disposition de tous, et en tant que résultant d’un jeu avec l’ensemble des déterminations à l’œuvre lors de toute énonciation, au nombre desquelles se trouvent les hétérogénéités constitutives du sujet de l’énonciation. Nous proposons le terme de « subjectivation » pour désigner cette mise en présence du sujet dans son dire : la cristallisation complexe et dynamique des divers éléments intrinsèques ou extrinsèques au fait d’énonciation d’où il s’origine. La racine de « subjectivation » renvoie au sujet du dire ainsi cristallisé : non pas une figure rattachée, à un quelconque degré, à une problématique d’affectivité, relativisant un certain sens de la subjectivité, mais l’entité énonciative qui se réalise dans et par la langue, destinée à recevoir et à être caractérisée par sa construction dans et par l’énonciation. Quant au suffixe de « subjectivation », il souligne qu’il s’agit d’un procès, au sens de processus, écartant la traditionnelle dichotomie fond / forme ou la conception d’un style figé une fois pour toutes, pour accueillir l’idée d’un sujet qui explore et s’explore (si ce n’est est exploré) par elle, et envisager cette « subjectivation » comme une co-énonciation avec cet autre sujet qu’est le récepteur.




Lidija OREŠKOVIĆ DVORSKI

Université de Zagreb, Croatie

Expressivité du discours scientifique

Le discours scientifique (écrit) est un type de discours auquel on attribue de nombreuses qualités telles que l’objectivité, la précision, la clarté, la monosémie, la concision, la logique, la progression, le caractère abstrait, etc. Bien que le discours scientifique soit caractérisé par une absence complète de subjectivité et d’affectivité, rien n’empêche les auteurs d’utiliser une gamme d’outils langagiers qui contribuent à l’expressivité de leurs textes scientifiques. Cette expressivité se manifeste par l’emploi de différents outils : expressions anaphoriques, parallélismes, questions rhétoriques ou figures de style (Silić 2006). En plus, l’emploi fréquent de connecteurs et de certains signes de ponctuation, assurant le ton polémique des textes scientifiques, contribuent d’une certaine manière à l’expressivité globale du texte.

Etant donné que les disciplines scientifiques se distinguent les unes des autres, non seulement par l’objet de leur étude, mais également par leur manière d’écrire (Hyland 2000), nous restreindrons notre étude aux articles qui proviennent de la même discipline et du même champ scientifiques. Le but de cet article sera d’analyser les textes scientifiques écrits en français, appartenant au même champ scientifique (la philologie), afin de déterminer le degré d’expressivité ainsi que les procédés expressifs utilisés dans les textes analysés. Les procédés utilisés dans les textes choisis seront décrits et classifiés selon leurs traits caractéristiques et fréquence d’emploi.