Roser GAUCHOLA
Universitat Autònoma de Barcelona, Espagne
Quand le sujet n’est pas l’agent – analyse contrastive du français et de l’espagnol
Si l’analyse typologique fonctionnelle, dans le cadre de la fonction de participation (conçue comme le rapport existant entre un participé – le verbe – et ses participants – i.e. les satellites nominaux qui l’accompagnent), a bien montré que la double identification {sujet = agent = thème ; objet = patient = rhème} constitue le schéma de la phrase prototypique (la plus naturelle et partant la moins marquée), il n’en reste pas moins que, dans bon nombre de langues, certaines structures relevant de la technique d’orientation (où sont regroupés les phénomènes ayant trait à la voix), manifestent un phénomène, sinon universel du moins largement généralisé : l’effacement de l’agentivité, autrement dit, le processus par lequel, tout en gardant le sujet de la phrase, l’agent impliqué dans le schéma de participation est estompé, voire carrément omis.
La présente contribution, fondée sur une analyse contrastive français-espagnol, entend montrer que l’effacement de l’agentivité trouve son siège privilégié dans les structures syntaxiques de la voix passive (dont la productivité varie largement d’une langue à l’autre) – voire dans les expressions lexico-syntaxiques diathétiques –, mais qu’il existe également des manifestations de nature morphologique de l’effacement de l’agentivité sur lesquelles on ne saurait faire l’impasse dans une approche holistique et translinguistique du phénomène. Dans cette contribution, nous nous proposons également de dégager les implications didactiques et pédagogiques de cette approche dans l’enseignement-apprentissage de l’espagnol langue étrangère par des francophones et du français par des hispanophones.
Sana HAMMOUDA LAATIRI
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Sousse, Tunisie
Degrés d’objectivité et de subjectivité des adjectifs locatifs
Les adjectifs peuvent être objectifs ou subjectifs si nous nous référons à la classification proposée par Kerbrat-Orecchioni (1980). Ils sont dits objectifs quand ils sont neutres et définissent les propriétés objectives d’une classe. C’est le cas par exemple des adjectifs locatifs (Gross (1996)) qui réfèrent au lieu de la situation et sont utilisés « lorsqu’il s’agit de décrire exhaustivement et objectivement une entité » (Vandeloise (2004, p. 17)) :
(1) L’étagère se trouve dans la partie supérieure du meuble.
(2) Je me roulais en boule contre le mur extérieur de la maison.
(Angot, Ch. (2006), Rendez-vous, p. 307)
Mais nous avons constaté, suite aux remarques de plusieurs linguistes (Borillo (1988), Kerbrat-Orecchioni (1980)), que ce type d’adjectifs peut avoir un emploi subjectif dans des contextes précis (linguistiques et extra-linguistiques) surtout lorsqu’ils relèvent « de la vision que l’être humain, et plus encore le locuteur dans sa situation particulière d’énonciation, peut avoir des objets dont il parle et de l’espace qu’ils occupent par rapport à lui-même et à sa propre position » (Borillo (1988, p. 15)) ; dans ce cas, ils appartiennent à la classe des adjectifs évaluatifs non axiologiques (Kerbrat-Orecchioni (1980)). Ces adjectifs peuvent avoir donc des emplois objectifs et des emplois subjectifs. Nous pouvons ainsi les classer sur une échelle des degrés d’objectivité et des degrés de subjectivité puisqu’ils sont graduels dans le sens où ils constituent un continuum entre l’axe d’objectivité et de subjectivité des adjectifs.
Nous proposons, dans cette recherche, d’étudier ces adjectifs sur les plans morphologique, syntaxique et sémantico-pragmatique afin de démontrer que l’adjectif de localisation n’est ni objectif, ni subjectif, mais possède différents degrés d’objectivité et différents degrés de subjectivité.
Albina KUNIKEEVA
Université Åbo Akademi, Finlande
Des locutions composées avec les syntagmes « âme » et « esprit » en français et en russe – Petite introduction à la personnalité
La conception de l’âme est au fondement de toute culture. Ainsi, au cours des siècles, philosophes et psychologues ont tenté de circonscrire une idée bien peu concrète, cherchant à comprendre ce qui anime le vivant, principe alors même d’immortalité. Aujourd’hui, dans nos sociétés marquées par le matérialisme et les succès des sciences et des techniques, l’idée d’« âme » apparaît comme démodée. Pourtant, le monde des sentiments, des émotions, des humeurs et des émotions restent encore rattaché anthropologiquement et linguistiquement au syntagme d’« âme ». En russe, les sentiments et les émotions relèvent d’un état d’« esprit » lié au terme même de душа (âme). En revanche, le français tend depuis le Siècle des Lumières à préférer l’usage du mot d’« esprit », là où le russe emploie plutôt celui de душа (âme). Or ces expériences sont justement considérées comme « spirituelles ».
Quelles sont les usages du terme d’âme/esprit en français et душа/дух en russe et comment témoignent-ils d’une communauté d’esprit et des divergences entre locuteurs latins et slaves ?
Dans chaque langue, il existe de nombreuses expressions employant le terme d’« âme », renvoyant à diverses expériences selon les cultures, notamment en fonction des confessions, tant orthodoxe que catholique.
Les emplois des termes, en français et en russe, se recoupent parfois et se distinguent également. Ils expriment différentes catégories sémantiques divisées en groupes verbaux. En français et en russe, l’âme (se) manifeste (dans) certains sentiments et émotions (positives ou négatives), dans des actions (positives ou négatives), et dans des caractéristiques de la personne et personnalité etc. ; l’esprit témoigne plutôt en faveur de règles, de principes, de systèmes de représentation, comme pour l’Esprit des Lois de Montesquieu.
Mythologies, religiosité, arts usent de ces représentations de l’âme et de l’esprit de sorte que la langue reflète alors la culture populaire de ses usagers. Notre contribution met l’emphase sur l’étude contrastive entre l’usage des locutions russes et françaises employant les termes d’ « âme » et d’« esprit ».