Kreho Vesna
Université de Sarajevo, Faculté des Lettres de Sarajevo
Théâtre baroque – théâtre classique : discours passionnel et/ou discours rationnel
Je me propose d’étudier la nature des discours baroque et classique dans le théâtre français du XVIIe siècle, notamment du point de vue de leur caractère et leur potentiel affectifs. Ma réflexion sera axée sur deux questions principales. La première, de quelle manière ces deux types de langage théâtral traduisent-ils des états affectifs ? ; la seconde, de quelle manière les sentiments réprimés ou extériorisés, de leur côté, modifient-ils l’expression linguistique ?
Privilégiant le merveilleux spectaculaire, les jeux d’illusions scéniques, l’exubérance verbale et le faste de la rhétorique pathétique, le langage baroque préfère un discours généralisé et sentencieux, formé par la longue tradition oratoire, à une expression individualisée et subjective.
Le théâtre classique, de son côté, donne la primauté à l’expression verbale, puisant sa force dans le pouvoir suggestif de la parole, dans la qualité de la diction, bref, dans la « magie verbale » du discours. Mais cette « parole éloquente » n’est jamais abondante, elle est, paradoxalement, une parole réprimée, enchaînée, assourdie – conséquence des sentiments refoulés dans l’intériorité la plus profonde du sujet parlant – ce qui se répercute inévitablement sur leur expression linguistique, sur la qualité de la diction et le dynamisme général de l’expression.
L’analyse de ces deux types de langages dramatiques et de leur affectivité sera etayée d’exemples pris dans des pièces de J. Rotrou, P. de Corneille, J. Racine …
Michal KRZYKAWSKI
Université de Silésie (Pologne), Institut des langues romanes et de traduction
« L’Affect québécois : entre le soi et l’autre. Constructions discursives de la subjectivité (post)moderne »
L’objectif de cette communication est de méditer sur les modes de construction de la subjectivité à la lumière du discours identitaire québécois que je me proposerai d’analyser à travers l’interaction entre la modernité et la postmodernité, cette interaction étant cruciale pour bien saisir la transformation qu’a subie le champ littéraire au Québec à partir des années 1980 avec la reconnaissance institutionnelle de l’écriture migrante et, par conséquent, l’avènement de la littérature postnationale (Nepveu).
Or, le discours autour de l’altérité, menée dans le contexte des valeurs du multiculturalisme canadien, qu’a produit ce changement mérite d’être analysé de plus près, d’autant plus que la notion d’écriture migrante elle-même tombe trop facilement dans le piège du recyclage postmoderne et ses mots de passe tels que métissage, hybridation et le nomadisme. Si l’on croit, après Fredric Jameson, que le postmodernisme se caractérise par la disparition de l’affect, de même que par la rupture avec la solitude et l’isolement, l’institutionnalisation des productions des écrivain∙e∙s immigrant∙e∙s au Québec peut être lue, paradoxalement, comme prolongement et non pas la fin des grands sentiments modernes. Le désir vers un objet extérieur qui manque (en l’occurence, la souveraineté et la libération du je qu’elle devait entraîner) est remplacé par l’affect qui reconnaît ce manque (la libération du joug colonial n’a eu lieu qu’économiquement) en privilégiant le mouvement vers l’autre (la mise en discours de l’altérité). Ainsi, l’énonciation de la question « qui suis-je / qui sommes-nous » se substitue à la question elle-même en donnant lieu à des échanges entre les subjectivités en devenir.
Patrick LEVAČIĆ
Université de Zadar, Faculté des Lettres
La perception mythique dans l’épisode Les richesses et les merveilles de Constantinople de Robert de Cléry
Robert de Cléry, chevalier pauvre d’Aménois, était un chroniqueur français de la IVe croisade. Il a pris part à toutes les péripéties de la conquête de Constantinople. Son œuvre est très différente de celle de Villehardouin: elle n’en a ni la précision, ni l’étendue et la sûreté de l’information. Robert est un imaginatif: les images de ce qu’il a vu restent fixées dans son esprit et il sait les faire voir. Geoffroi de Villehardouin et Robert de Cléry sont émerveillés à la vue de Constantinople et l’épisode Les richesses et les merveilles de Constantinople est représentif pour différencier leurs points de vues. À travers une analyse comparative nous allons élaborer l’idée que la perception de Cléry est plutôt mythique. Derrière sa description de Constantinople apparaissent des éléments liés à la ville de Jérusalem. Le désir de voir Jérusalem à la place de Constantinople peut s’expliquer par un fait historique. La quatrième croisade s’était totalement détournée de la Terre Sainte et cela avait heurté beaucoup d’âmes pieuses ainsi l’âme de Robert de Cléry.
Dans ce sens l’épisode Les richesses et les merveilles de Constantinople représente trois domaines qui se superposent: témoignage sur la conquête, l’âme collective des croisés et l’intertextualité mythique entre Constantinople et Jérusalem.