Nicoleta COJOCARIU
Université « Alexandru Ioan Cuza » Iasi, Roumanie / Université Paris Est Créteil, France
Passions et conscience de soi dans l’écriture autobiographique d’Anna de Noailles
Nous nous proposons dans notre communication de faire l’étude des passions face à la conscience de soi dans l’autobiographie Le livre de ma vie de la comtesse de Noailles. Il s’agit dans ce propos d’analyser les stratégies des passions et la force de la conscience, phénomènes employés par la plus célèbre poétesse de la Belle Époque dans Le livre de ma vie pour dire son propre moi. La comtesse de Noailles a 54 ans lorsqu’elle commence à écrire son autobiographie atypique. Avant la publication de ce livre, Anna de Noailles menait une vie sociale régulière, s’impliquant dans des activités littéraires, artistiques, mondaines même politiques. Le récit d’Anna de Noailles n’est pas structuré, le fil est plutôt littéraire et géographique, la poétesse se déplaçant d’un lieu à un auteur au gré de ses affinités et passions. L’une de ses plus fortes passions illustrée au long du récit chante le culte de l’enfance. Auprès du chant de ses passions la conscience de soi se révèle dans ce qu’elle considère le bienfait de l’écriture personnelle : la possibilité d’entendre le son de sa propre voix, le sentiment de l’émotion charnelle, les vibrations physiques et même la respiration. La conscience de soi devient ainsi un marqueur de son identité à un moment précis de son histoire et de celle du pays et de l’époque où la poétesse avait vécu.
Daniela ĆURKO
Université de Zagreb, Faculté de philosophie et lettres
Le jaune, le violet et le vert. Les couleurs et le sens
dans l’œuvre romanesque de Jean Giono
Dans l’œuvre romanesque de Giono, la couleur dans la description de l’espace n’a point une fonction mimésique. Pourtant, loin d’être « un détail gratuit et insignifiant », la couleur a un sens, ou plutôt des sens symboliques, sens qui peuvent être antithétiques. Ainsi le jaune et le vert sombre symbolisent-t-ils la mort et la pourriture. Soulignons que la couleur or est une nuance tout à fait à part avec un sens bien particulier – la nuance s’inscrit dans la notion du dionysiaque, dans l’idéal de la désindividuation, par conséquent la couleur prend un sens positif. Si le jaune d’or se réfère à l’utopie, le violet des romans antimodernistes de Giono s’inscrit dans une représentation négative de la civilisation moderne, donc dans la dystopie antimoderniste.
Dans les Chroniques romanesques la couleur or rejoint par son sens le violet en s’inscrivant dans la problématique du divertissement et dans ses corollaires, l’avarice et la perte.
Ensuite, nous verrons que la fonction des couleurs jaune, verte et violette dans une description particulière de l’espace dans la macro-structure du roman est d’être soit l’indice caractériel ou l’indice atmosphérique, d’après la terminologie de Roland Barthes, soit de s’inscrire dans la mise en abyme concentrante ou éclatée – pour les derniers termes, nous avons eu recours à la terminologie de J. Ricardou, reprise par Mieke Bal. Les deux formes de la mise en abyme font partie – ici Bal a recours à son tour à la terminologie de Charles Sanders Pierce – de la fonction iconique de la description.
Morgan FAULKNER
Université Laval (Québec)
Traduire le « frisson » dans Écrire en pays dominé de Patrick Chamoiseau
Dans Écrire en pays dominé de l’auteur martiniquais Patrick Chamoiseau, l’affectivité se manifeste dans les références intertextuelles captant les effets émotifs de la lecture sur le narrateur. Des commentaires sur les œuvres de Faulkner, de Césaire et de Saint-John Perse, pour n’en nommer que quelques-uns, brisent constamment la progression du récit et construisent, au long du texte, non pas une bibliothèque, mais une « sentimenthèque » (EPD, 24), dont le but énoncé est de traduire le « frisson » (EPD, 24) évoqué par la lecture. Cette communication propose d’examiner le rôle de la « sentimenthèque » dans l’interrogation sur l’entreprise littéraire chamoisienne, telle qu’elle s’exprime dans ce texte où essai, autobiographie et fiction s’entremêlent. Nous nous intéressons tout particulièrement à la relation entre l’intertexte et le « Je » subjectif du narrateur qui interroge sa situation d’écrivain, où il se trouve à la fois dominé et dominant. Dominé, il tente de libérer son écriture de l’influence hégémonique du centre éditorial français et notamment de l’imitation. Dominant, il s’associe à toutes les célébrités de la littérature mondiale. Nous nous proposons donc d’analyser l’affectivité traduite par la « sentimenthèque » dans son apparence de digression du récit et dans son rapport intime à la problématique centrale du texte de Chamoiseau : comment forger une écriture qui lui est propre et qui résonne avec les contextes social, culturel et politique particuliers à son énonciation ? Autrement dit, « comment écrire, dominé ? » (EPD, 17).