Recueil des résumes PDF (3,2 MB)

Francontraste 2010










ALONSO SUTIL Maria Cruz (Université Rey Juan Carlos, Madrid)  

L'entre-deux d'une identité

 

En considérant l’espace du point de vue anthropologique, le lieu nous donne une vision de l’identité des gens qui l’habitent, des relations qu’ils entretiennent et des expériences qu’ils vivent et qui constituent leur histoire. A partir du voyage comme un élément structurel nous essayerons d'analyser dans l’œuvre de Jean Échenoz à quel point ce trajet pourrait bouleverser le « je », car le voyage n’est pas seulement conçu comme un déplacement, mais aussi comme le catalyseur des changements que celui-ci produit chez l'individu à partir de sa manière de faire front au nouveau, à l'Autre.
Nous tâcherons de signaler l’importance du signifié anthropologique qu'acquiert l’espace pour les protagonistes tout au long de leur parcours, ainsi que le niveau d’accueil que présentent les personnages, les aspects qui déterminent leur structure et la dynamique actantielle, leurs expériences et l'échange possible des différentes altérités.
Le désir d'échapper du vide, de la solitude, de ce qui pourrait être désagréable, car l'aventure termine lorsque l’on termine le voyage, nous mène à réfléchir aux forces extérieures qui pourraient exercer une telle pression sur l’individu qui l'emmène à continuer son errance dont la résidence permanente est si longue qu’elle devient parfois un labyrinthe.

Opposé à l’idée de lieux anthropologiques il existe celle des « non-lieux », c'est-à-dire les espaces avec lesquels l’individu ne s’identifie pas et n'établit même pas de rapports ; ce sont des lieux sans histoire pour la personne, des espaces d’anonymat de plus en plus fréquents dans la société actuelle.
Il faudrait donc, déterminer si un espace peut être identifié au lieu ou « non-lieu » en fonction des liens et des rapports que l’on y a pu établir, mais il est sûr que, au moins, ils sont essentiels pour l’individu.

 

 

 

 

 

BEN SAAD Nizar (Université de Sousse, Tunisie)

 

Le concept du climat chez les philosophes des Lumières

 

Depuis l’Antiquité, l’étiologie climatique sert de commun dénominateur à la caractérologie des peuples, sous le rapport du tempérament, des habitudes, des aptitudes intellectuelles. La question éclate dans la littérature française dès le XVIe siècle, avec Jean Bodin. Elle se déclinera régulièrement surtout dès le milieu du siècle des Lumières.
Comprise et analysée dans une perspective « scientifique », la « théorie des climats », sera, dès lors, l’assise expérimentale de l’examen des facteurs physiques qui déterminent l’organisation politique des Etats.
Selon un schéma classique, la chaleur favorise la paresse et le despotisme, le froid, l’indépendance. Les chasseurs sont abrutis et sanguinaires, les peuples pasteurs se distinguent par leur douceur. Les montagnards diffèrent des gens des plaines.
La plupart des penseurs des Lumières, de l’Abbé Du Bos à Volney, en passant par Montesquieu, Boulanger, Helvétius ou Buffon, étendent l’influence du climat et évalueront l’impact du déterminisme climatique sur l’ensemble des institutions humaines (religieuses, juridiques et politiques). La question ne sera pas sans effet sur la notion d’altérité et, au-delà, l’affirmation des valeurs universelles que diffusera la langue française, et la représentation qu’auront les philosophes des relations entre le Nord et le Sud.

 

 

 

 

 

BENGUESMIA Mahdia (Université de Batna – Algérie)

 

L'espace comme produit modulable dans L'Exil et le royaume d'Albert Camus

 

Sous ce titre, je viendrai montrer que le motif de l’espace chez Camus n’est pas géographique, mais affectif, et à un degré plus linguistique.
Passionnément fasciné par la nature de sa terre natale qu’il éternisera très jeune dans Noces et Eté, mais très tôt aussi affligé par sa prise de conscience de l’illégitimité de son appartenance à cette terre vénérée, Camus va d’abord élire domicile dans son écriture, puis faire de l’espace algérien un espace transportable, manipulable et diversement connotatif ; mais d’une connotation plus spécifique à la langue de cœur qu’il crée dans cette intention qu’à la matière géologique qui compose cet espace.
Entre des lieux éloquents et d’autres muets - et muet n’est pas forcément dans son œuvre « ce qui ne dit pas » ou ce qui d’habitude est climatiquement négatif - Camus vient, dans les six nouvelles que nous proposons d’étudier ici, convertir le lieu géologiquement pierreux, sablonneux ou désertique - ces termes sont là de véritables nuances ou des degrés du désert que l’écrivain module précautionneusement et significativement – (L’hôte, La femme adultère et Le renégat) ou celui vaguement expressif (Les muets, Jonas ou l’artiste au travail et La pierre qui pousse) en un lieu exemplaire de l’âme que l’esprit approuve et le cœur applaudit ou en espace hostile à l’entendement, et là il sera plus question d’espace manipulé sournoisement par l’homme ou d’espace sournois dans l’homme échangé contre celui véridiquement naturel.





COJAN Otilia-Carmen (Université Alexandru Ioan Cuza, Faculté de Lettres, Iaşi)

 

L'espace chessexien – un dedans mythique qui se renferme en lui-même

 

On se situe en Suisse Romande, au Pays de Vaud. Jacques Chessex choisit de faire découvrir à tous ceux qui s’abandonnent à la lecture, une contrée de légende qui semble vivre pleinement dans un éternel moment de rêverie. Son Portrait des Vaudois regroupe sous la forme de quelques essais des visions concernant un endroit privilégié, qui se déploie dès les premières pages comme un espace clos sur lui-même, tirant son unicité de ses trésors cachés mais surtout de la façon dont il comprend préserver ces trésors-là. L’espace crée à l’intérieur de la narration chessexienne se détache de l’espace réel, abolit le temps humain et s’environne d’étendues mythiques. Il ne s’agit plus d’une spatialité physique, mais d’une spatialité créée par Chessex à l’intérieur de son écriture, une spatialité qui vit par elle-même, en dehors de la durée humaine. C’est un espace qui se forge une autre dimension que celle unanimement acceptée (étendue située entre des limites exactes), c’est plutôt un espace hors espace, une spatialité mise en abyme à l’intention de créer un lieu situé au-delà des confins du palpable, aux tréfonds de l’imaginaire créateur. L’espace chessexien de Portrait des vaudois est un dedans mythique qui se renferme sur lui-même afin de préserver son unicité en tant qu’univers littéraire.





ĆURKO Daniela (Université de Zagreb, Faculté des sciences humaines et sociales,
Département d'Études romanes)

 

Fenêtre, espace de communication, espace d'excommunication dans Noé, Les Âmes fortes, Ennemonde et L'Iris de Suse de Jean Giono

 

La fenêtre est un topos descriptif qui réapparaît dans Noé, Les Âmes fortes, Ennemonde et L'Iris de Suse de Jean Giono. Une telle récurrence pose la question du sens qu'y prend le topos.

Dans notre étude, nous nous référons surtout à l'analyse de Philippe Hamon dans Du Descriptif et arrivons à la conclusion suivante : dans Noé et Ennemonde, la fenêtre représente ce lieu intermédiaire instaurant la communication entre l'espace clos et l'espace ouvert de la montagne. Nous y remarquons deux cas de figures. Dans Noé, les deux espaces se ressemblent et se correspondent – l'étude obscure du notaire à S., lieu où se trament des complots mettant en jeu les destinées humaines, a son reflet dans la montagne « très âpre, très nue, sans pitié » (Noé, III, p. 669).

La fenêtre dans Ennemonde opère, elle aussi, non seulement la jonction entre le dehors et le dedans, mais permet de faire venir le monde extérieur à Ennemonde. Ainsi, la fenêtre compense par ce mouvement paradoxal l'immobilité de la vieille héroïne paralytique, en incluant le personnage dans les grands espaces ouverts auxquels Ennemonde appartient de par sa nature, étant une femme «bandit de grand chemin ».

Par contre, dans Les Âmes fortes et dans L'Iris de Suse, la fenêtre est ce seuil qui fonctionne comme un obstacle, excluant Thérèse et Tringlot, héros des romans respectifs, de l'espace clos où ils désirent avoir accès. La fenêtre est ici la métaphore de l'excommunication des deux personnages également marginaux.