Recueil des résumes PDF (3,2 MB)

Francontraste 2010










PRTORIĆ Jelena (Université de Zagreb, Faculté des Lettres et Philosophie)

 

Étude contrastive de l'espace et de la textualité dans la bande dessinée francophone et la bande dessinée croate

 

Si le marché de la bande dessinée française connaît une forte période de croissance et représente 13% des ventes totales de livres en France, le public croate ne semble toujours pas apprécier le médium du neuvième art. En Croatie, la bande dessinée est souvent considérée comme une sorte de livre d’images, l’ébauche d’un livre destiné aux enfants, tandis que les amateurs de BD se regroupent autour de trois principaux éditeurs et des rares manifestations culturelles qui ont pour but la promotion de la bande dessinée.

Or, la bande dessinée peut servir l’échange culturel.
L’album Le Sommeil du monstre d’Enki Bilal a présenté la mémoire individuelle, collective et prospective de l’éclatement de la Yougoslavie. Miroslav Sekulić a présenté la BD moderne croate au public d’Angoulême. Clément Oubrerie nous donne d'approcher les manières de parler et modes de vie d’Afrique francophone tandis que dans la bande dessinée réalisée par Régis Loisel et Jean-Louis Tripp, Magasin général, le langage propre du Canada sert d’illustration à un plus vaste projet de découverte et de transmission culturelle.

Mais pouvons-nous parler d’une bande dessinée nationale, d'une façon particulière de créer des mondes fictionnels dans la bande dessinée en France, en Croatie ou ailleurs ? Nous tenterons de distinguer des différences de styles dans l’art de façonner l’espace de la bande dessinée francophone et essaierons de décrire les thèmes les plus récurrents dans la bande dessinée francophone ou croate.





RADELJKOVIĆ Ivan (Université de Sarajevo)

 

A la faveur de l'incompréhension, l'enseignement de la poésie française de la seconde moitié du XIXe siècle

 

Dans l'ambiance du consumérisme contemporain, on se trouve parfois confronté à la question « Pourquoi enseigner la poésie (française/moderne) ? A quoi cela sert-il ? » Cette question a malheureusement son poids, vu les difficultés de compréhension contre lesquelles nous nous heurtons, enseignants et étudiants, dans l'enseignement de la poésie moderne. Les causes de cette incompréhension sont nombreuses : divorce entre les poètes et la société, statut ontologique altéré du sujet poétique, refus de l'utilitarisme, entre autres.

A côté de ces causes générales de la difficulté de la poésie moderne, il en existe toute une autre série du côté de l'enseignement : lecture en langue étrangère, besoin absolu de dégager un 'message' du texte, manque de culture littéraire, etc. Notre propos serait de réfléchir, à partir des exemples recueillis en cours, à la manière d'enseigner cette poésie difficile et obscure justement à la faveur de ces difficultés de compréhension. Nous considérons que pour chaque incompréhension existe une raison concrète qu'il suffit d'identifier, et, en faisant ceci, de créer de nouveaux savoirs, expériences et intuitions qui ouvrent de nouveaux champs littéraires et intellectuels chez les étudiants. Si la défiguration a été une force destructrice dans la poésie de Rimbaud, elle a également été une force de création. Elle bouleverse les formes stratifiées du sens et les réanime. Ce magma de la rumeur poétique (Doumet) contient implicitement toute une géologie linguistique, culturelle et littéraire que l'enseignant doit expliciter. La traduction/interprétation en classe constitue alors une opportunité d'appropriation et de bouleversement des idées reçues.





ŠAFRANEK Marija-Ingrid (Université de Zagreb, Faculté des Sciences humaines et sociales)

 

Venises invisibles. La métaphore spatiale à partir de titres exemplaires chez Proust et Duras.

 

Il s'agit d'une lecture herméneutique de titres et toponymes emblématiques chez les deux «néo-romantiques» du 20ème siècle. Venise, espace métaphorique et abstrait, est la figure de l'un des deux foyers de l'ellipse bifocale planétaire autour de laquelle s'articule la cartographie imaginaire de Duras. Cette ville-concept, absente du discours romanesque, reste invisible et inédite. Elle est pourtant évoquée en creux dans deux romans et deux films, puis nommée dans le titre du film Son nom de Venise dans Calcutta désert, comme le lieu symbolique de naissance du personnage féminin-pivot de l'imaginaire durassien. D'autre part, chez Proust, la ville de Venise – mythe personnel et culturel – est un lieu quasi réel mais surtout la métaphore totalisante qui conjugue le désir de l'amour et de l'art absolus (consolateurs, maternels, englobants et durables).

Dans les deux cas on voit à l'œuvre la corrélation problématique d'oppositions semi-dialectisables. Les contradictions espace/temps, histoire/nature, Occident/Orient, vie/art... s'attirent, sans jamais se confondre, prises dans un double mouvement de désir (analogie) et de séparation (différence). L'écriture, dont la pensée est omniprésente chez les deux auteurs, est conçue comme une double voie «inverse et parallèle», comme spatialisation du temps et temporalisation de l'espace, dans une semblable poétique du désir et le non-conformisme du symbolique.




ŠINKO-DEPIERRIS Djurdja
(Université de Zadar,
Département d´études françaises et ibéroromanes)

 

La géographie réelle et l´espace imaginaire dans Le Chevalier de la Charrette de Chrétien de Troyes

 

L´espace dans lequel Chrétien de Troyes fait évoluer les personnages du Chevalier de la Charrette (1177-1181) relève à la fois de la réalité géographique bien connue des hommes du XIIe siècle et d'une topographie où l'imaginaire se mêle à la tradition celtique. Ces différentes données s'imbriquent étroitement pour créer l´espace qui permet à Lancelot, Gauvain et les autres protagonistes du récit de courir d’aventure en aventure.

La géographie réelle apparaît dans nombre de références que le conteur champenois fait à des villes et pays bien ancrés dans la réalité (Aragon, Espagne, Limoges, Toulouse, Lyon, Amiens, Poitiers ou Montpellier) quand il caractérise certains personnages, certains animaux ou encore certains objets.

Cependant, l’ancrage dans la réalité se réduit lorsque Chrétien cite des lieux toujours réels mais qui, géographiquement, se trouvent situés hors de France, comme la Thessalie ou Babylone, synonymes de pays lointains et mystérieux aux merveilleuses richesses. Dans ce cas il fait appel à un imaginaire collectif fasciné par l’Orient qui idéalise le réel. Cette translation des endroits réels dans le monde imaginaire s’étend également à l’Occident comme, par exemple, lorsque Chrétien range sur le même plan des chevaliers tel le fils du roi d’Irlande, originaire d’un pays réel, et des seigneurs originaires de contrées purement imaginaires tels Governal de Roberdic, Coguillant de Mautirec ou Keu d’Estral.

L’espace imaginaire dans Le Chevalier de la Charrette est semblable à celui que traversent les chevaliers du roi Arthur depuis le premier roman de Chrétien, Érec et Énide. Correspondant souvent à des étapes initiatiques que le chevalier doit franchir, ces lieux ont essentiellement une fonction symbolique. De plus, beaucoup d’entre eux appartiennent aux légendes celtiques, qui sont à l'origine du personnage du roi Arthur et de son entourage.
Bref, en mêlant habilement les lieux réels et imaginaires Chrétien de Troyes construit l’espace de sa fiction bien ancrée dans une tradition celtique.




TANQUEREL Sylvain (Université de Zagreb, Faculté des Sciences humaines et sociales)

 

La scéno-graphie des cahiers de Rodez d'Antonin Artaud

 

Les manuscrits des cahiers de Rodez (1945-1946) d'Antonin Artaud témoignent d'une pratique scripturale où l'écrit et le dessin s'intriquent singulièrement dans l'espace de la page. L'édition proposée par Paule Thévenin (Gallimard), répondant à une exigence de lisibilité, en a en effet présenté une transcription linéarisée qui, modifiant complètement la topographie des écrits, en a également évacué les dessins et occulté ainsi une dimension visuelle fondamentale : lignes, points, croquis, formes projetées, les feuillets des cahiers sont criblés de ce qu'Artaud désigne comme des « souffles jetés » et qui, loin de toute fonction illustrative, travaillent directement l'écrit. Ces dessins, « enchevêtrés à des pages où l’écriture tient le premier plan de la vision », sont partie intégrante du nouveau langage qu'Artaud s'emploie à forger et qui, transvaluant la question du sens en empêchant toute voussure textuelle de se constituer, nous mène à questionner l'espace singulier de son inscription. Nous montrerons comment ce double registre où le dessin s'articule étroitement à l'écrit ressort en effet d'une spatialité qui n'est ni littéraire ni picturale mais se présente davantage comme une scène où le scripteur/acteur déploie son geste dans ce nous nommerons, réajustant le terme usuel, une scéno-graphie.